La nature parle...

 Depuis les trois dernières semaines, j'ai planché sur une planche de bois... En effet, j'ai décidé d'offrir à "La-Marie-de-X-Boy" (sa première gardienne qui est désormais une amie très chère à notre famille!) une toise de croissance en bois pour Bébé-Éléonore qui naîtra dans moins de deux semaines... Évidemment, peindre sur du bois n'est pas ma tâche artistique de prédilection et fallait-il en plus que j'augmente le coefficient de difficulté en choisissant une planche de pin torréfié...

Pour les néophytes tels que moi-même, sachez que peindre sur du bois torréfié, ça ne se fait pas SANS sabler au préalable... et ensuite, ça en prend de la couche de peinture, les amis!!! Oh là là... pour obtenir un blanc pur et uniforme, ça m'aura pris deux couches de conditionneur pour bois, deux couches de gesso et six couches de peinture blanche à l'acrylique. 

Au final, la toise est splendide. Originale et pile-poile dans le thématique Harry Potter qui décore déjà la chambre de bébé. Mais hier matin, alors que je voulais vernir au vaporisateur ladite-toise-en-bois, je me suis butée à un X-Man-protecteur-de-son-patio.

- Non, X-Mom... tu ne vas PAS utiliser ton spray SUR le patio... La dernière fois que tu y as bizouné tes oeuvres d'art, c'est resté taché jusqu'à ce qu'on le démolisse... Et là, le patio, il est neuf...

- Dah, je sais bien que le patio est neuf... Tsss... T'es ben peureux... c'est pas de la peinture en spray, c'est du vernis... c'est i-n-c-o-l-o-r-e et qu'est-ce que ça pourrait bien faire que des bouts de patio soient vernis?

- X-Mom... essaye pas... pis va sur le terrain...

- Pis le gazon, lui? C'est pas grave s'il est verni? Ta tondeuse va peut-être étouffer?!?

Je suis sortie avec ma planche en rigolant et surtout, en ayant enfilé le vieux kangourou laitte de X-Man afin de ne pas "me" salir... X-Man n'a pas bronché, c'est son chandail-à-bizounage-sale-dehors... 

J'ai donc appuyé ma planche de 7 pieds contre l'érable au fond de la cour et j'ai observé le sens du vent "avant" d'appuyer sur le vaporisateur... On ne me le fait plus, le coup du "spray-dans-face"... 

Juste avant que je ne commence à vaporiser, oh, un mignon petit oiseau est venu me faire un coucou de l'autre côté du tronc, juste à la hauteur de mes yeux... Oh... moi qui adoooore les oiseaux, je me suis mise à lui jaser ça... à lui demander s'il la trouvait jolie, la "Edwidge" (la chouette de Harry Potter) qui était peinte dans le bas de la toise... Le petit oiseau restait là, trop mignon, à me regarder et tranquillement, il a continué à grimper le tronc jusqu'aux premières branches où il s'est installé pour chantonner ses réponses à mes questions. 

J'ai vaporisé la planche. Attendu 5 minutes. Donné une deuxième couche. Puis, au moment de la saisir pour rentrer cette dernière au bercail, j'ai vu le petit oiseau quitter l'arbre. Je l'ai salué et j'ai remarqué une petite goutte blanche dans le haut de la toise... ??? Je n'avais pourtant PAS utilisé de peinture blanche dans le haut... tous les chiffres sont noirs.. 

J'ai baissé les yeux, et c'est là que j'ai remarqué une traînée de blanc qui descendait au centre de la toise... Ah ben NON!!!!!!! Cet oiseau a RÉELLEMENT fait caca SUR ma planche?!? J'ai hurlé et de rire et de surprise... et là, ce fût la panique... car avec quoi j'essuie ça, moi, du caca d'oiseau? Ça va sécher ben raide dans le vernis pis ça n'a pas d'affaire-là!!! 

Sans réfléchir, j'ai pris mes doigts... puis les ai essuyés sur le chandail de X-Man. Ben oui... 

Ensuite, je suis rentrée en hurlant qu'un oiseau avait chié sur ma planche... ce qui n'a pas surpris X-Man qui m'a dit ceci : "Ben tsé, X-Mom... à qui d'autre ça pouvait arriver?"... 

J'ai répliqué, en me lavant vigoureusement les mains, "que ça ne serait pas arrivé si j'avais verni la planche sur le patio"... et j'ai murmuré que son chandail essuyait vraiment bien les tits-cacas-d'oiseaux... 

Gnark gnark.

***

Hier, à 11h15, X-Boy avait un énième rendez-vous à la clinique d'urgence pédiatrique. Parce que bon, sa saga d'otite-eczéma ne semble pas près de se terminer, même après 9 semaines de traitement. Comme je ne peux toujours pas soulever la gamin, X-Man devait nous accompagner au rendez-vous. Ainsi, en arrivant à la clinique, il a grimpé le fauteuil sur le trottoir (car les accès pour handicapés ne sont pas toujours de niveau, sachez-le) et il est retourné dans la voiture pour continuer de travailler dans ses dossiers. 

On a eu la chance de voir un pédiatre-allumé qui, lorsque j'ai exigé de voir un dermatologue ou un ORL en urgence a tout de suite opiné. Ce pédiatre avait déjà vu X-Boy dans cette saga et il était tout aussi découragé que X-Boy et moi de nous revoir pour la même histoire... Il a donc prescrit un nouveau traitement à X-Boy qui consiste à éliminer la possibilité qu'un champignon se soit installé dans le conduit auditif et nous a demandé de continuer le traitement pour l'eczéma en attendant de voir un dermatologue... car si on peut enrayer le problème avant la consultation, ce sera tant mieux pour tout le monde... 

Je suis donc repartie avec X-Boy (eh oui!) et la référence à remettre au bureau des spécialistes qui se trouve dans le même bâtiment, au cinquième étage. 

Il faut savoir qu'en temps de COVID, et surtout parce que la clinique se trouve en zone rouge, prendre l'ascenseur s'avère périlleux. En effet, un maximum de trois personnes est permis et c'est un gardien qui appuie sur les boutons. Ainsi, pour passer du 4ème au 5ème étage, j'ai dû attendre quinze minutes. Et même si X-Boy avait été capable de marcher, nous n'aurions pas pu prendre les escaliers, car ils sont fermés au public... un gardien se tient devant la porte des escaliers pour nous le rappeler. 

Ainsi, quand nous sommes arrivés à la clinique des spécialistes, j'ai fièrement brandi le papier de référence sur lequel il est inscrit "urgent". La jeune secrétaire a saisi le papier, l'a rapidement lu et a quitté son poste pour aller discuter avec une de ses collègues savamment cachée derrière un paravent. Elle est revenue et m'a froidement redonné le papier par la fente du plexiglas où il est spécifié qu'aucune violence verbale ne sera tolérée. 

- Désolée, Madame, mais je ne peux pas prendre votre référence.

- ??? Je me suis trompée de bureau? Pourtant, c'est inscrit qu'il y a des dermatologues ici... et c'est la clinique de pédiatrie du 4ème qui m'envoie directement...

- Oui, vous êtes au bon endroit... mais je ne peux pas prendre le papier, car ce n'est pas la procédure.

- Ok... et c'est quoi la procédure?, ai-je répondu en me disant que ce matin, un oiseau avait chié sur mon projet d'arts et que ça me tentait moyen de vivre ce genre de situation style-maison-des-fous-dans-Astérix...

- Il faut que vous me faxiez le papier.

- !?! C'est une blague?

- Non, vous devez me faxer le papier. 

J'ai hurlé d'un rire sarcastique à donner froid dans le dos. C'est le mois des sorcières, après tout.

- Vous êtes sérieuse, là? Et vous croyez quoi au juste? Que j'ai un fax dans ma sacoche?

Elle a rougi. Dans la salle d'attente, le silence s'est installé. J'ai ressenti un certain vertige à "être la fatigante qui gueule dans une clinique", puis je me suis dit que non, ça n'allait pas se terminer aussi facilement. Car après douze ans à naviguer dans les vagues du fameux système de santé, j'ai trop souvent constaté que les gens abdiquent et courbent l'échine devant de telles idioties bureaucratiques... Les gens (dont j'ai souvent fait partie, à mon grand dam) finissent par dire "ah ben, si c'est de même..." et vont ensuite râler et se plaindre à leurs proches de la situation... 

Mais si tout le monde continue d'accepter sans rien dire des situations aussi imbéciles, rien ne changera, non? J'ai décidé de revêtir mon habit de Jeanne-D'arc-défenderesse-des-prisonniers-du-système et de revendiquer un droit à la logique qui caractérise pourtant l'humain, bâtard...

- Ok... je n'ai pas de fax là là, dans mes mains... mais j'ai un PAPIER... vous le voyez et vous l'avez même PRIS dans vos mains tantôt... Me semble que ça ne se peut pas que je vive ça en ce moment...

- ...

- Vous croyez sincèrement qu'en temps de COVID et surtout ICI, en zone ROUGE, c'est idéal pour moi et mon fils à m-o-b-i-l-i-t-é r-é-d-u-i-t-e de sortir en duo dans une pharmacie pour faire un tit-fax alors que l'on est ICI, DEVANT VOUS et que VOUS travaillez pour le spécialiste dans le même bureau?!?

- Euh... ben si c'est plus simple, envoyez-le moi par courriel.

- Hein? Non, je rêve... pincez-moi quelqu'un... Tu (je me suis mise à la tutoyer... je sais c'était baveux) me demandes de prendre une tite-photo là là, du tit-papier pis de te l'envoyer par courriel??? On est au Québec, hein? Encore une fois, le système de santé fait des siennes... En même temps, c'est clair qu'il n'y en a PAS de système pour que l'on fasse vivre des idioties de même à des gens qui doivent voir de façon URGENTE un spécialiste... 

La secrétaire était écarlate, les yeux un peu larmoyants. 

- Écoute, je sais que ce n'est pas de TA faute... tu fais juste suivre les procédures... mais justement, tu ne les trouves pas niaiseuses, toi, les procédures? Tu la comprends, toi, la nuance entre un papier réel et une copie par fax ou par courriel? T'as pas envie d'utiliser ton intelligence pour dénoncer une telle situation à ton patron? Tu sais, tu as le pouvoir de réfléchir, d'agir et de proposer des solutions... La police ne viendra jamais t'arrêter parce que tu as mentionné un désaccord à une procédure... La "procédure" n'existe pas réellement... elle ne te mordra pas, tu sais, si tu décides de la confronter...

- Euh... je ne sais pas quoi vous dire... c'est de la faute à la clinique pédiatrique... ils ne connaissent pas nos procédures...

- !!! C'est pas sérieux ça non plus... "C'est de la faute à la clinique"... ben voyons, ça aussi, tu m'excuseras, mais c'est tellement québécois comme mentalité... C'est toujours de la faute aux autres... c'est de la faute au gouvernement si le système de santé ne fonctionne pas... c'est de la faute à Trudeau si on n'a pas assez de ressources dans les hôpitaux... Quand est-ce que les gens vont se décider à se relever les manches et à travailler ensemble pour agir et régler des problèmes simples??? Parce que là, le problème, il est simple... Appelle la clinique de pédiatrie et explique-leur les procédures afin que les patients ne se rendent plus ici pour rien...

- Ah non.. je ne peux pas les aviser... ça ne fait pas partie de mon travail...

- Aaaaah... wow... vraiment??? Écoute, je vais le faire "ton travail", et gratuitement, ben oui... je m'en vais de ce pas les aviser... ça va te sauver de l'énergie... après tout, moi, je ne travaille pas pour personne et je peux faire des besognes "hors de mon travail"... Je te souhaite une bonne journée... allez.

J'ai quitté le bureau avec un X-Boy qui rigolait et se faisait aller le jouet dans les airs. À l'intérieur de moi, ça tremblait. De découragement, de lassitude, de colère sombre envers des banalités qui font de la vie de trop de patients un enfer administratif.

J'ai rejoint X-Man dans le stationnement, lui ai "remis" X-Boy et lui ai annoncé que je retournais à la clinique pédiatrique pour régler un problème de procédures. X-Man s'est objecté.

- X-Mom... laisse faire... tu changeras pas le monde ce midi... et moi j'ai du boulot à faire, je n'ai pas le temps... 

- Non. Non. Non. Pas toi aussi. C'est pas vrai que le "je n'ai pas le temps" va encore faire en sorte que les choses ne se règleront pas rapidement. Hey, on est ici, j'ai la "chance" de pouvoir mettre en lumière et peut-être régler un problème qui doit traîner depuis des lustres entre ces deux cliniques et tu voudrais m'en empêcher? 

Je suis repartie telle l'éclair. Avec le tonnerre en mains sous forme de référence pour un spécialiste. 

J'ai dû refaire la file pour l'ascenseur... car les règles sanitaires, celles-là, je ne les contourne pas.

Quand je suis arrivée à la clinique pédiatrique "sans X-Boy", la secrétaire m'a lancé un regard médusé.

- Rebonjour X-Mom... qu'est-ce qui se passe?

Et là, je lui ai expliqué la situation. Elle a lancé un :

- Ah eux autres... pus capable de leur niaisage... Vous n'êtes pas la première à avoir de la difficulté à obtenir un rendez-vous...

- Ok... je vois que ça fait un bail que ça traîne...

- En effet...

- Mais pourquoi vous ne discutez pas ensemble, les deux cliniques, pour vous entendre? Je ne comprends pas pourquoi ce sont les patients qui écopent de votre mésentente de procédures...

- Mmm... mais c'est parce que personne ne fait de plainte officielle et les pédiatres n'ont pas le temps de gérer ça...

- Ok. Eh ben moi, je vais vous en faire une, une plainte officielle. 

- Vous feriez ça? Ça nous aiderait tellement...

- Ben voyons... bien sûr. Si c'est ça que ça vous prend pour bouger...

- Ah ben vous êtes la première à vouloir. Je vais vous chercher les coordonnées du chef de la clinique et donnez-moi également votre référence, je vais la faxer là là.

- Ok, merci. Mais vous voyez, si les pédiatres savaient CLAIREMENT que la référence doit être faxée ou envoyée par courriel, ils pourraient le faire a-u-t-o-m-a-t-i-q-u-e-m-e-n-t de la clinique et le patient n'aurait pas à subir ce genre d'histoire... c'est simple, non?

- En effet... il faudrait juste trouver le temps pour se parler.

- Ah le fameux temps... les gens ont perdu la notion "réelle du temps"... tout ne prend pas 13 heures à être effectué... Une telle information, ça se glisse au début ou à la fin d'une réunion d'équipe et zou, la situation sera réglée en moins de cinq minutes top chrono.

- En effet... vous êtes gestionnaire, X-Mom?

- Hein? Oh que non... je suis juste tannée... c'est parfois plus efficace qu'un titre et un diplôme...

***

En arrivant à la maison, j'ai saisi le téléphone et j'ai parlé avec le chef de la clinique. Il m'a expliqué que ce n'était pas la première fois qu'il entendait parler de la situation... Je lui ai demandé "combien de fois ça prenait pour que la situation soit réglée, au juste?". Il a bafouillé. Et dit qu'il allait en parler le soir-même à tout le personnel de la clinique. Il m'a remerciée et nous avons raccroché.

Je ne sais pas si la situation sera réglée sous peu.

Mais au moins, j'aurai permis au problème de se réserver une place dans le bal des dossiers urgents... du moins, j'ose l'espérer.

***

Hier soir, j'ouvre mon ordi et je lis un courriel. Un courriel provenant de l'école de X-Boy. Le directeur nous annonce qu'il y a un cas de COVID19 à l'école. Que la personne et les gens qui ont été en contact avec elles ont été mis en quarantaine. Mais que si nous recevons cette lettre, c'est que X-Boy n'a PAS été en contact avec la personne infectée et que tout est beau dans le meilleur des mondes...

J'ai repensé à la crotte d'oiseau sur ma planche ce matin...

Et je me suis dit que j'étais chanceuse... 

Après tout, ça aurait pu être un caca de bernache...

Ou une fiente du système... tsss.

Vivre au ralenti... dernière partie!

Lorsque mon Chevalier-X-Man est apparu au bout de la salle d'attente, mon coeur s'est remis en marche... C'était comme dans une télénovela ultra-quétaine... il m'a semblé si beau, si fort et son odeur est venue titiller mes narines avec délicatesse. C'est moi où il y avait de la **musique classique dans les haut-parleurs à ce moment-là? 

***

Le Dilaudid est une drogue fabuleuse, si on isole carrément ses effets secondaires nauséatoires...

***

Il poussait lentement un fauteuil roulant vide - mon carrosse noir de jais - et venait me délivrer des dragons qui rôdaient sous forme de microbes dans cette pièce remplie de sons de torture et de désolation. 

(Vous êtes encore là? Ouf!).

Quand il s'est penché vers moi pour me saluer, j'ai dit : 

- Franchement, X-Man... c'était bien long, ton affaire!.. Tsé, on reste à 5 minutes... c'est quoi, t'avais pas taillé la haie de cèdre avant mon retour et ça ne pouvait pas attendre?

Il est resté coi. Et m'a souri.

Dans ma tête, ça hurlait au drame. Comment pouvais-je être aussi merdique oralement alors que dans mon coeur, ça hurlait des remerciements, des "je suis tellement contente que tu sois là, tu es tellement attentionné!". 

Je me suis mise à pleurer. Tristement. Avec ce grand sentiment de culpabilité mêlé à une telle confusion.

- Je suis arrivé tout de suite, X-Mom... Tu es juste tannée d'être ici... Et ça se comprend... 

Il a chuchoté :

- Non mais, tu as vu tout autour? C'est pas la grande joie comme ambiance, hein?

J'ai cessé de pleuré et l'ai regardé droit dans les yeux pour le remercier en silence. Ça a fonctionné.

- Allez, X-Mom, installe-toi dans le fauteuil et je te ramène à la maison.

- ...

- X-Mom... tu peux te lever pour t'asseoir dans le fauteuil?

- ...

- X-Mom... tu veux que j'appelle l'infirmière? Tu es bizarre... Pourquoi tu ne bouges pas? Tu ne peux pas bouger?

- Oui. Je peux bouger.

- Ok... et tu peux t'asseoir dans le fauteuil?

- Oui.

Les minutes se sont écoulées... et j'ai posé la question obligatoire.

- Quand je m'assois dans le fauteuil, au juste?

- De quoi, "quand je m'assois dans le fauteuil"?!..

- C'est quand, le bon moment?

- Hein? Ben... euh... maintenant?

- Ok. 

Et je me suis levée debout. 

- Ok, X-Mom... tu as réussi à te lever... qu'est-ce que tu attends au juste?

- Je ne sais pas. 

- Euh... même X-Boy est plus facile à asseoir que toi. Héhé.

- Héhé.

Quelques secondes se sont écoulées.

- Bon, mets-toi de dos pour t'asseoir, X-Mom... sinon ça ne fonctionnera pas!

- Ok.

- Et tu attends quoi? Je ne te suis pas, là...

- Quand je me mets de dos?

- Hein? On est-tu dans un mauvais film ou quoi? De quoi, "quand"?!? Maintenant!!!

- Ok. Je me tourne de dos.

Et là, j'ai réussi à lui expliquer que mon cerveau avait BESOIN de savoir QUAND "tout" faire... c'est comme si j'avais un bogue dans la logistique positionnelle, quoi.

- T'es sérieuse-là? 

- ...

- Si tu le dis. Alors, tu peux t'asseoir "maintenant".

Et je me suis assise dans le fauteuil. Il s'est agenouillé pour m'enfiler mes bas et mes chaussures (j'étais Cendrillon sans la robe chic ni les belles-soeurs acariâtres) et j'ai été charmée... Quoique quand j'y repense, c'était clairement plus rapide que de me le demander! 

Je lui ai expliqué qu'il fallait se rendre à la pharmacie pour aller chercher les médicaments pour soulager mes douleurs, ce à quoi il a répliqué :

- D'accord... et tu peux rester seule à la maison pendant que j'irai?

Je me suis mise à pleurer comme une gamine.

- Ok... tu resteras dans la voiture... je ferai ça vite... Bon allez, direction les ascenseurs.

Devant nous, la porte d'ascenseur s'est ouverte et ce dernier était rempli. Rempli de gens tous en état de marcher. Personne en poussette ou en fauteuil dans le champ de mire. J'ai soupiré fortement. X-Man aussi.

Quelques minutes plus tard, l'ascenseur s'est rouvert la gueule pour nous dévoiler, encore une fois, tout son contenu "limité à 5" de marcheurs en pleine forme. X-Man a soupiré. Et j'ai sèchement dit :

- BEN LÀ!!! C'est pas vrai!!! Y'a des gens qui se prennent pour des princesses ici, c'est clair!!! 

Et je ne parlais pas de moi... quoique à chaque pas que X-Man faisait, j'entendais de la musique médiévale résonner... 

- C'est CLAIR qu'y en a parmi vous qui êtes capables de m-a-r-c-h-e-r... contrairement à moi, tsé!!!

Le malaise s'est rapidement installé dans la cabine. Deux personnes sont sorties en courant - je devais faire peur avec ma chevelure semi-trempée-pour-cause-de-débarbouillette-humide et mon teint de Blanche-Neige-sans-la-beauté-incluse-ni-les-sept-nains... 

Les trois autres personnes se sont excusées et se sont tassées vers le fond de l'habitacle pour nous laisser la place. J'ai entendu X-Man rire discrètement. J'avais la jauge à patience à zéro... et ça sortait sans filtre. Woah.

Une fois dans l'entrée de l'hôpital, j'ai balancé mon masque dans la poubelle tout près de la sortie. Finie la prison buccale. X-Man a fait de même et une fois rendus sur le trottoir qui menait à la voiture-transformée-en-Ferrari-pour-l'occasion, se trouvaient des obstacles.

Le premier devant nous, un jeune humain au cellullaire-tatoué dans la main qui, de toute évidence,  n'avait PAS l'intention de se tasser pour nous laisser passer. Je le lui ai fait savoir, oh que oui.

- C'est ça, bravo imbécile! Pas moyen que tu lâches ton estie de téléphone pis que tu regardes autour de toi pour voir si tu déranges, hein? Tasse-toi pas, pauvre con.

X-Man a roulé plus vite. Allez savoir pourquoi.

Encore sur le trottoir, un deuxième obstacle. En effet, il y avait un fauteuil roulant "vide" qui avait été laissé en plan, de toute évidence. 

- Tasse-ça de d'là, X-Man.

- Ben non... quand même... je vais aller le rapporter à l'hôpital.

- Hey, laisse faire la galanterie pis tasse ça... j'ai mal au coeur pis je m'endors, faque...

X-Man a délicatement rangé le fauteuil vacant sur le bas-côté et a continué à marcher doucement.

- Coudonc, t'es stationné à Warbush? Ça te tentait pas d'être proche de la porte?

- X-Mom, je ne pouvais quand même pas demander à tout le monde de quitter l'espace "devant" l'hôpital pour toi... t'es un peu pas mal princesse, là...

Il avait tellement raison. J'étais la Princesse-des-diamants-biliaires... Dommage que personne n'avait été mis au courant...

***

Après plusieurs minutes à comprendre "quand" je pouvais m'asseoir dans l'auto, nous sommes partis en direction de la pharmacie. J'ai dormi tout le long du court trajet qui nous séparait et de la pharmacie, et de la maison.

À quelques mètres de notre cour, je me suis écriée:

- OH!!! X-MAN!!! Ne l'écrase pas, please!!!

X-Man m'a regardé, hébété.

- Tu as VU l'écureuil qui traversait?!? T'es vraiment bizarre... 

Franchement, la Princesse-aux-diamants-biliaires était réputée pour son grand amour pour la bestiole animale... tssss.

Quand nous avons stationné la voiture dans notre cour, nos voisins sont immédiatement sortis sur leur balcon avant. De vrais bons parents... Ils se sont tout de suite informé de mon état et Super-Voisin a proposé à X-Man de me veiller le temps que ce dernier aille récupérer le Prince-des-pierres-rénales (oui) à son école.

En rentrant dans la maison, je me suis remise à pleurer... J'étais gênée d'avoir l'air aussi moche... de marcher comme une vieille sorcière de 13325 ans et de ne pas être capable d'être de bonne humeur...

Super-Voisin, avec son sourire tout doux, m'a aidée à m'installer dans le sofa et s'est mis à me rassurer. 

J'ai retrouvé un peu mon calme. Et lui ai demandé de me parler de son patio, question de me changer les idées... Ça a fonctionné à 100%! Moi, tu me parles de clous, de bois pis de commandes qui n'arrivent pas à temps à cause de cette foutue COVID et je me retrouve dans un feuilleton de construction!

X-Man est rentré au bercail avec X-Boy - tout de sourire vêtu - et Super-Voisin nous a laissé en famille.

***

La suite fut remplie d'un dégobillage en règle dès les premières gorgées d'eau avalées, de larmes bien sincères concernant des douleurs jusque là inexpérimentées et de quelques prises de calmants et d'anti-inflammatoires...

Telle la Princesse au bois dormant, j'ai roupillé nombre et nombre d'heures pendant les jours suivants... 

À chacun de mes réveils, Prince-X-Man était là, le regard attendri. 

Il m'apportait mes médicaments, replaçait ma couverture, plaçait un oreiller sous mes genoux, m'aidait à me relever et il m'a même avoué, que les deux premiers jours, il venait voir si je respirais à chaque heure... Parce que paraît-il, je ne bougeais pas d'un iota. Et ma respiration était totale silencieuse.

Il faut croire que j'avais besoin de cette immobilité. 

De ce silence aérien pour me relever.

Et redevenir X-Mom, sans couronne de princesse... 

ni diamants biliaires désormais.

Vivre au ralenti... Partie 2!

 Une fois amenée dans la zone d'attente, juste avant le bloc opératoire, je me suis surprise à avoir des petits tremblements de nervosité... Vous savez, ce sentiment que le coeur bat plus vite, que le souffle se fait un peu plus court, cette soudaine envie de peut-être s'en aller discrètement? Juste partir en douce, faire comme si on n'avait jamais eu besoin d'une telle chirurgie?

Mes angoisses se sont rapidement dissipées quand j'ai entrevu, devant mes mirettes, un homme d'un certain âge, allongé dans son lit "d'attente" et qui toussait fortement. Un anesthésiste est venu le visiter, a fermé le "rideau" qui doit, soit disant, procurer une intimité (mais c'est pas coupe-son, un rideau, hello!!!) et lui a posé une batterie de questions. Les réponses du Monsieur, bien qu'il ait adopté un ton jovial, étaient on ne peut plus anxiogènes pour la petite hypocondriaque que je peux être, surtout en tite-jaquette d'hôpital frette... 

Ayayaye, cet homme avait subi une pléthore de chirurgies, portait un "pacemaker" et se targuait de n'avoir JAMAIS eu de nausées après une anesthésie. Il riait de cette "force", le bonhomme... alors que je me disais... ouais, ben ce n'est pas mon cas... Moi, on me parle d'anesthésie et j'ai un haut-le-coeur automatique. Chacun ses forces, hein?

Les minutes se sont lentement écoulées (je n'avais pu apporter mon livre dans cette zone) et le chirurgien est venu à ma rencontre. Derrière son masque, je ne pouvais voir son sourire, mais ça s'entendait. Pourtant, quand on m'avait parlé de ce chirurgien, on m'avait mentionné qu'il était zéro sympathique/expéditif/ultra-compétent. Mais voilà qu'il était d'une gentillesse... J'ai peut-être la nausée facile, mais aurais-je un talent d'être mignonnette, même en jaquette-lette? Tout est possible.

- Bonjour X-Mom. Je suis content de vous rencontrer... je préfère voir mes patients que de leur parler au téléphone, mais bon, avec la COVID...

- En effet... on doit s'adapter...

- Alors, je viens pour vous dire que mon équipe est prête et que vous serez opérée à 10h15, comme prévu. Comme votre échographie révélait une pierre très nette, la chirurgie sera facile. On prévoit une heure, une heure quinze. Vous pourrez quitter dès que vous serez bien réveillée. Au fait, vous êtes toujours mère à la maison?

- Oui.

- Je suis jaloux.

- !!! 

- Oui, c'est exactement là où je voudrais être avec ma femme et mes enfants en ce moment... et surtout pour les mois à venir... Car vous ne pouvez pas deviner à quel point ce sera dramatique dans le milieu hospitalier dans les prochains mois...

- !!!

- Vous voulez un conseil? Restez le plus possible à la maison. Faites-vous une vraie bulle et lavez-vous toujours les mains... 

- C'est noté. Mais avec fiston qui est handicapé, on est "déjà" des maniaques du lavage de mains...

- Eh bien, c'est une bonne habitude. Allez, on se revoit au bloc opératoire!

Et il est parti, me laissant seule avec mon hypocondrie covidienne qui venait, ma foi, de reprendre beaucoup de place dans mes neurones... Ark-e. Si un chirurgien nous dit ça, c'est inquiétant, non? En tout cas, ça m'a presque fait oublier que j'allais me faire zigouiller le bide... 

***

Un brancardier est venu me chercher et a roulé mon lit jusqu'au fameux bloc opératoire. C'était comme dans un film. On me roulait dans un long corridor et je voyais le plafond blanc défiler. Puis, au-dessus des grandes portes hermétiques qui s'ouvrent automatiquement étaient inscrites les lettres suivantes en noir sur blanc : "Bloc opératoire. Personnel autorisé seulement.". Et le grand vertige m'a assaillie. 

On m'a roulée jusqu'à ma future table d'opération, située au centre de trois méga-spot aveuglants et fascinants à la fois. J'ai vu deux ou trois infirmières s'affairer à rapprocher le matériel. Puis, on m'a demandé de me glisser doucement sur la table qui, ma foi, était si peu large que je me demandais réellement où mettre mes bras... 

À cette question est arrivée rapidement une réponse technique; une infirmière a fait apparaître d'où je ne sais où des plates-formes longilignes et rectangulaires qu'elle a installées, en croix, de chaque côté de la table d'opération. Elle a saisi adroitement chacun de mes bras et les y a installés pour ensuite les recouvrir de lourdes couvertures chaudes et confortables. Une autre infirmière a également recouvert mes jambes avec une autre couverture lourde et tout aussi chaude. J'ai souri en me disant que "c'est ça, ils nous amadouent avec un traitement "type spa" avant de nous bistouriser..."

L'anesthésiste s'est pointé au-dessus de ma tête. Regarder quelqu'un tête-bêche est toujours fascinant. 

- Bonjour X-Mom. Vous êtes prête?

- Mmm. Telle une scoute...

- Hahaha, vous avez de l'humour, vous?

- Il paraît...

- Et vous avez des allergies?

Je n'ai pas eu le temps de répondre qu'il a saisi mon poignet de sous la couverture pour y découvrir THE bracelet médical indiquant toutes mes allergies. Il a sursauté et lâché:

- Oh boy!! Dites-moi... ils auraient pu vous en remplir un autre tellement vous avez de médicaments inscrits là-dessus!!! On a affaire à un beau cas ce matin!

- En effet... je suis contente de vous rencontrer "avant" que vous m'endormiez, car disons que j'ai une forme légère de narcolepsie également... J'ai une hypersomnie diurne, donc vous pouvez imaginer que je ne me réveille pas facilement... surtout pas si l'on me donne un somnifère ou du "gros stock"... Est-ce qu'il y a un moyen de ne "pas trop m'endormir"?

- Je vais veiller à ce que l'on donne la dose minimale requise, ne vous inquiétez pas... Bon, allons, montrez-moi vos veines.

Je n'ai pas eu le temps de répondre qu'il s'est exclamé :

- Eh boy, X-Mom!!! Vous n'avez pas de veine en plus?

- Pas de veine, hein? 

Tout le personnel a rigolé. Était-il seulement poli, car on s'entend que côté blague, c'était limite sous-sol... Hahah.

Il a tapé d'une bonne force mes veines pendant un beau gros 4 minutes puis une infirmière m'a installé un masque à oxygène pour me remplir les poumons d'air pur, justement, avant de m'envoyer dans les bras de Morphée.

J'ai entendu l'anesthésiste s'exclamer glorieusement "J'ai une veine, donnez-moi vite mon..." puis Zzzzz. Plus personne ne répondait à l'appel de mon côté.

Du gros sommeil lourd. 

***

Après la chirurgie, mes souvenirs sont plutôt épars. Je me souviens m'être réveillée dans la fameuse "salle de réveil" et d'avoir répondu à la question "votre douleur se situe à quel niveau sur une échelle de 1 à 10" en pointant le ciel avec mon bras droit. Ensuite, je me souviens d'avoir dit, très inquiète :

- Excusez-moi... est-ce que c'est normal d'avoir aussi mal?

À cette question, une infirmière m'a répondu gentiment : "Oui, X-Mom. C'est normal. On vous a donné un calmant, ça ira mieux dans quelques minutes".

Et je me souviens d'avoir répété la question au moins cinq ou six fois... C'est fou ce que j'avais besoin de me sentir "normale"... à défaut de l'être tous les autres jours de ma vie!

***

Ensuite, je me suis réveillée dans "mon spot" d'attente du matin, là où tous les autres patients opérés - ou en attente de - se trouvaient aussi. 

Quand une première infirmière s'est approchée de moi, elle s'est exclamée :

- Ah ben, enfin!! Hey vous là... ça fait 2h30 que vous êtes revenue et vous n'avez JAMAIS ouvert un oeil... c'était écrit dans votre dossier que vous étiez difficile à réveiller, eh ben c'était vrai...

Je dois avoir souri. Me souviens plus. 

- Madame l'infirmière... j'ai mal au coeur. Mais VRAIMENT mal au coeur...

Elle restait là, à me regarder.

- Je pense que vous ne comprenez pas bien... J'ai BESOIN d'un plat, une poubelle, une piscine en plastique, je ne sais pas quoi, mais je VEUX quelque chose pour vomir dedans, là là!!!

Elle s'est lentement étiré le bras vers la table de "chevet" pour me donner un petit sac-à-futur-vomi qui s'y trouvait.

- Juste ÇA?!? Vous croyez que ce sera suffisant??? Je pense que vous ne savez pas ce que c'est, quand je dis que j'ai envie de vomir...

Elle est repartie. De même. 

Une autre infirmière, plus compréhensive, est venue à ma rencontre, alors que j'avais retiré mon masque (oui) pour "vomir" bientôt...

- X-Mom... vous avez mal au coeur?

- C'est clair, non?

- Oui... on ne peut pas vous donner du Gravol, à cause de votre hypersensibilité et votre hypersomnie... On doit vous donner du "gahwtyrhyerh" (aucune idée du nom), mais le chirurgien n'a pas fait la prescription...

- Ok... c'est pas simple là... Ben ça ne me dérange pas, si vous ne me donnez pas votre super-médicament, je vais juste vomir tout le reste de l'après-midi... 

Et je me suis mise à pleurer, telle une gamine... car je ne voulais pas être bête, mais je me sentais telle que.

- Madame l'infirmière... je n'aime PAS ça, avoir mal au coeur... je n'ai PAS envie de vomir TOUT l'après-midi... vous pouvez téléphoner au chirurgien?

- C'est ce qu'une collègue est en train de faire, X-Mom... Mettez cette débarbouillette froide derrière votre nuque et celle-ci sur votre front. Ça va vous aider...

J'ai exécuté ces deux petits gestes et quelques secondes plus tard, la prescription avait été reçue et on me donnait le "gahwtyrhyerh" et zou, la nausée est disparue. Fiou.

***

L'infirmière-zéro-compréhensive est venue quelques minutes plus tard pour déposer un sac jaune rempli de vêtements sur mon lit. 

- Heu, non.. ce n'est PAS mon sac de vêtements...

Bêtement, elle m'a répondu: 

- Bien sûr que si, X-Mom. 

Bêtement, j'ai répliqué:

- Bien sûr que non. C'est le sac de la fille d'en face. Elle s'appelle X-Mom M-I-NET et moi, c'est X-Mom M-A-NET... vous saisissez la nuance?

- Non non non. C'est VOTRE sac.

- Non!!! Franchement, vous savez lire?

J'ai voulu ravaler ma bêtitude, mais bon, mon corps était occupé ailleurs... Grmblgr. Même "gelée", on ne me la fait pas, l'erreur de lecture, bon.

Elle a pris l'étiquette du sac jaune dans ses mains et a lu à voix haute :

- X-MOM M...i... net... Ben voyons, sont donc bien perdus, là-bas.. ils ne m'ont pas donné le bon sac, ça se peut-tu!!!

Elle a empoigné le sac avec colère et l'a déposé sur le lit de la "bonne patiente" qui, comme moi, avait franchement la nausée et demandait depuis des lustres, de l'aide pour aller à la toilette... 

***

Tout autour de moi, grâce aux rideaux d'intimité (?), j'ai assisté au concert des plaintes et râlements des patients en post-op... Ça geignait, ça pétait (oui oui!), ça vomissait, ça pleurait, ça sacrait même, au bout de la pièce... Un grand gaillard à l'allure franchement zéro avenante aboyait dans son cellulaire... Il se plaignait "d'avoir été opéré tabarn... par des criss... d'ost... d'incompétents" et il voulait partir "là, côôôôliss... avant de péter des yeules!!!"... 

Avais-je été rude avec l'infirmière? Mmm... je me suis donnée, à ce moment, une médaille mentale de doucerosité. 

***

Vers 15h00, une infirmière franchement joviale est arrivée à mes côtés pour m'annoncer que je pourrais quitter très bientôt puisque tout allait bien de mon côté. Elle m'a demandé gentiment de m'asseoir lentement pour que je "reprenne vie" un peu...

Elle me regardait. Je ne bougeais niet.

- Alors, X-Mom... vous pouvez vous asseoir?

- Peut-être. Je ne sais pas.

- Vous pouvez essayer?

- ...

- X-Mom... il faudrait que vous vous assoyez.

- ...

- X-Mom... vous asseoir... vous êtes correcte? Vous m'entendez?

- Hein? Oui...

- Alors...

- Alors quoi?

- Vous vous assoyez?

- Quand?

- Comment ça, "quand"?

- Quand est-ce que je m'assois?

- Maintenant, X-Mom. Vous pouvez vous asseoir maintenant.

- Ok.

J'ai tenté de m'asseoir à une vitesse "normale", ce qui m'est tout de suite apparu impossible. La douleur ne s'expliquait pas. Mais j'ai réussi. Et me suis mise automatiquement à pleurer.

- Ça ne va pas, X-Mom?

- Ça tourne un peu. J'ai vraiment mal.

- C'est normal, c'est pour ça que je veux être là quand vous vous assoyez la première fois... 

- Merci... vous êtes vraiment gentille.

- De rien, c'est mon travail... Je vais vous expliquer les consignes à suivre pour votre retour à la maison. Vous êtes capable de m'écouter?

- ...

- X-Mom.. Vous pouvez m'écouter?

- ...

- X-Mom... Vous êtes trop étourdie?

- Non.

- Vous pouvez comprendre mes consignes?

- Oui.

- Je vais vous lire les deux feuilles.

- Ok. Quand?

- "Quand" quoi?

- Quand est-ce que vous lisez les consignes?

- Là, maintenant. 

Et là, j'ai pigé... Mon cerveau "gelé" faisait une fixette de précision e-s-s-e-n-t-i-e-l-l-e sur le moment d'agir... Des heures de plaisir en vue. L'infirmière a semblé piger en même temps que moi ce mode de fonctionnement neuronal post-op.

- D'accord, X-Mom. MAINTENANT, vous écoutez ATTENTIVEMENT mes instructions.

Et elle m'a tout déballé les infos nécessaires à ma bonne survie. J'ai TOUT écouté.. ai-je TOUT retenu? Niet. Mais c'est pour ça que tout était "écrit" sur les deux feuilles qu'elle m'a demandé de plier et de mettre dans mon sac à mains.

Et la bal du "quand" a repris. Elle m'a demandé de m'habiller et elle a dû, sans blague, me dire toutes les étapes une à une, et surtout dans le "maintenant" afin que je puisse quitter ce lieu vêtue correctement. 

Une heure plus tard, littéralement, elle a pu contacter X-Man pour qu'il vienne me chercher.

***

Alors que je m'étais réallongée en attendant que X-Man arrive, le chirurgien est apparu devant mes yeux.

- Rebonjour X-Mom! 

- Ah, Monsieur le chirurgien... je suis contente de vous voir... Alors, ça a bien été si je me réveille aussi vite et que je peux repartir aujourd'hui!

- Ça va bien "maintenant"... (tiens, tiens, un mot-chouchou!!!) mais je dois vous avouer que ça a été plus difficile que prévu... En fait, X-Mom, vous aviez un problème d'anatomie...

- D'anatomie?

- En effet. Je n'avais jamais vu ça dans toute ma pratique... En fait, oui, mais dans la littérature seulement... Et ça a compliqué beaucoup l'intervention... Mais par chance, on a tout bien réussi... Vous êtes un cas bien spécial...

- Vous n'êtes pas le premier à me le dire... Mais là, jusque DANS mon anatomie.. et qu'est-ce que j'avais au juste? Trois vésicules? Deux testicules?

Il a rigolé. Moi aussi.

- Non... en fait, vous voyez, la vésicule est reliée au foie par un canal. Pour faire un exemple simple, admettons que le canal mesure en général 10 cm... Eh bien, le vôtre, il en mesurait moins de 1 cm... Ce qui fait que votre vésicule était carrément "collée" sur votre foie et que pour la retirer, on n'avait pas d'espace de manoeuvre... On a eu très peur de percer le foie, mais ça n'est pas arrivé. Et on a eu toute une surprise. Derrière votre vésicule, il y avait une grosse veine super importante qui ne passe PAS là d'habitude... par chance qu'on l'a aperçue avant de l'accrocher... et aussi, saviez-vous que vous saignez vraiment facilement et beaucoup? Aussitôt qu'on vous touche, vous saignez... vous en avez perdu une certaine quantité, environ 1/4 de tasse... ce n'est pas énorme, mais dans une opération comme celle-ci, c'est rare...

- ...

- Mais ce qui est important, c'est que je sois satisfait de mon intervention... Et il était temps que vous veniez me voir, car ça aussi, c'est rare, mais la paroi de votre vésicule était vraiment très mince... comme si vous aviez 90 ans... Votre vésicule aurait pu éclater et ça aurait été très dommageable... Vous avez eu de la chance de faire des pierres à ce moment-ci...

- Wow... c'est quelque chose... Euh... je ne sais pas trop quoi dire... En fait, merci? Je vous remercie pour tout... 

- De rien... c'est mon métier... On se reverra dans quatre semaines, en personne, cette fois, car je dois voir la guérison de vos cicatrices... À bientôt et reposez-vous.

Il est parti et j'ai réfléchi à tout ça tranquillement.. de tout façon, l'option "vite" ne faisait pas partie de mes neurones...

J'étais "chanceuse" d'avoir fait des pierres? 

Mes pierres auraient donc été des pierres précieuses? 

J'ai donc produit du diamant vital?

***

Je me suis fermée les yeux sur cette réflexion de conte de fées... 

***

En attendant que, quelques minutes plus tard, mon chevalier-X vienne me délivrer de cette forteresse aseptisée...


Vivre au ralenti... partie 1

Ça y est! Mon dos s'est peu à peu déplié de sa courbette post-opératoire et je peux désormais déposer mon séant sur la chaise ergonomique... et pianoter telle Schubert (!) sur mon clavier qui, au fil du temps, est en train de devenir un piano que de notes noires remplies... 

En effet, les inscriptions blanches délimitant les lettres s'effacent... Par chance que je possède mon doigté, sinon vous auriez droit à du "rywioyh à l'infini"! pouahahah!

***

Parlant de "rywioyh", voilà un mot qui résumerait assez clairement l'état second dans lequel je me suis retrouvée à mon réveil de cette gentille opération... 

Allez, foule en délire (!), je vous raconte mon périple hospitalier.

***

Mardi matin, la routine pré-scolaire de X-Boy s'est déroulée rondement. N'ayant pas le droit de festoyer aux céréales pour célébrer mon réveil comme chaque matin, j'avais une zone de temps supplémentaire pour m'occuper du gamin et de tout le toutim. Ce qui a allégé la tâche de X-Man et nous a permis, oui oui, de nous retrouver tous les trois bien en avance devant l'hôpital afin que seulâbre, je m'y rende le coeur rempli de non-hâte et de tite-peur fatigante.

Je suis donc entrée, masquée et zéro-confiante dans cette zone spatio-temporelle où l'aseptisation semblait faire aussi partie du modus operandi de la secrétaire-soldat chargée de l'accueil (!) des patients. 

Bien terrée derrière son plexiglas, Bouledoguette n'a pas daigné lever les yeux vers ma douce binette. J'ai donc poussé la joyeuseté ainsi : 

- Bon matin!!! Mon nom est X et j'ai rendez-vous à 8h00 pour une ablation de la vésicule biliaire !

Derrière le plexiglass, une main s'est pointée lourdement pour se retrouver dans l'interstice où, la main l'exigeait, j'allais docilement glisser: 

- Vos-deux-cartes-svp-ensuite-vous-allez-vous-changer-et-mettre-une-jaquette-de-face-que-vous-attachez-dans-le-dos-et-ensuite-une-jaquette-de-dos-que-vous-attacherez-de-face-comme-une-robe-de-chambre-pour-cacher-l'ouverture-au-dos-et-vous-enlevez-TOUT-puis-vous-mettez-les-pantoufles-bleues-vous-mettez-tous-vos-articles-dans-un-sac-transparent-jaune-et-vous-revenez-vous-asseoir-dans-la-salle-d'attente-avec-le-formulaire-à-remplir-que-voici. 

Je me suis demandée si elle allait respirer un jour... ou encore mieux, me regarder et ouuuuh, me sourire? Non. Je pouvais toujours rêver.

Délestée de mes deux cartes, je me suis dirigée vers le corridor, à la recherche du parfait-tit-kit-d'hôpital. 

Sur une grande étagère se trouvaient des piles de jaquettes retenues par des attaches de plastique. Pouvais-je prendre "mes" jaquettes dans ses piles bien droites? Devais-je "défaire" les piles? Si c'est écrit "X-Large" sur la pile la plus à droite, est-ce que ça veut dire que la pile la plus à gauche contient des "Small"? Il n'y avait rien d'indiqué. Q

Quelques jaquettes traînaient dépliées de-ci, de-là. Il y avait des dizaines de pantoufles bleues éparses... ces dernières étaient-elles propres? 

J'avais beau regarder autour de moi, il n'y avait personne à l'horizon pour m'expliquer en quelques mots la bonne marche à suivre. Peut-être suis-je la seule à aimer que les choses soient claires, mais j'aurais aimé retrouver, ne serait-ce que sur un mur, une affichette avec les consignes pour "bien choisir" mon futur accoutrement vestimentaire. 

Et c'est n'était point pour être coquette, n'ayez crainte, mais plutôt pour éviter de taponner à outrance des matériaux poreux alors que, ce me semble, nous sommes planétairement en situation critique de propagation virale... 

Alors que je tergiversais en silence devant les piles de jaquettes, une patiente est sortie du petit vestiaire avec en ses mains, son fameux sac jaune rempli de tous "ses effets personnels". Elle m'a souri.

- Vous cherchez vous aussi quelles jaquettes et quelles pantoufles prendre, hein? 

- En effet!!! Disons qu'à l'accueil, les infos n'étaient pas faciles à soutirer..., ai-je murmuré.

- C'est tellement troublant... tsé, on arrive ici déjà tellement nerveux et on devrait tout savoir?

- Je suis contente de voir que l'on partage la même opinion..., lui ai-je répondu en brève conclusion. 

Cette gentille patiente m'a suggéré de prendre des jaquettes dans la pile de gauche (mon instinct était bon? Hou!) et m'a indiqué l'endroit où se trouvaient les sacs jaunes. Je l'ai remerciée, je suis allée me transformer en super-héroïne-de-la-future-opération et je suis retournée dans la salle d'attente pour remplir mon formulaire.

À l'accueil, s'est présenté entretemps un homme très âgé qui marchait à la vitesse escargot. Il traînait ses chaussures sur le sol et ça m'a fait sourire. Car on voyait bien que jadis, cet homme avait assurément eu une saprée énergie. Une fois devant Bouledoguette, il s'est exclamé avec sa voix usée, mais joyeuse:

- Ben rebonjour vous!

Bouledoguette a trembloté du couvre-chef, mais sans lever les yeux. Peut-être avait-elle une malfonction occulo-musculaire? Tout est possible, vous savez.

- Bonjour-Monsieur.

- Je suis de retour! J'étais venu hier, mais on a annulé ma chirurgie! Héhé! Mais là, cette fois, c'est la bonne!

J'ai eu envie de chouiner. Moi, les personnes si âgées qui ont encore cet humour, cette envie de rigolade, ça me touche direct au coeur. Pourrait-il faire fondre un peu l'iceberg cardiaque de Bouledoguette? J'ai lâché quelques secondes mon formulaire-si-important-à-remplir pour yeuter les protagonistes avec beaucoup d'espoir humain.

- Comme j'étais là hier matin, j'imagine que je n'ai pas besoin de remplir encore une fois le fameux formulaire, hein?

- Ah-Monsieur-ce-ne-sera-pas-possible-Vous-DEVEZ-remplir-le-formulaire-à-nouveau-c'est-la-procédure.

- Euh... mais là, depuis hier, mes informations n'ont pas changé? Vous pourriez faire une exception?

- Non-Monsieur-donnez-moi-vos-deux-cartes-ensuite-vous-allez-vous-changer-et-mettre-une-jaquette-de-face-que-vous-attachez-dans-le-dos-et-ensuite-une-jaquette-de-dos-que-vous-attacherez-de-face-comme-une-robe-de-chambre-pour-cacher-l'ouverture-au-dos-et-vous-enlevez-TOUT-puis-vous-mettez-les-pantoufles-bleues-vous-mettez-tous-vos-articles-dans-un-sac-transparent-jaune-et-vous-revenez-vous-asseoir-dans-la-salle-d'attente-avec-le-formulaire-à-remplir-que-voici. 

Le Monsieur a froidement glissé ses cartes vers Bouledoguette et s'est dirigé vers le vestiaire. Au moins, lui, il "savait" quoi faire exactement...

J'ai eu envie de chouiner à nouveau. 

Je deviens de plus en plus sensible face à la bêtise humaine. Dans un lieu où la nervosité se présente avant même le premier bonjour de la part d'un patient, la compassion ne devrait pas être obligatoire? Une personne à l'accueil ne devrait pas, justement, être sélectionnée pour sa capacité d'accueil? L'usure du temps est-elle réellement une excuse pour cette froideur pseudo-professionnelle entre humains? Est-ce qu'un plexiglass enlève encore plus la capacité émotionnelle de créer des liens, si brefs soient-ils? 

***

Si je le pouvais, je ferais du bénévolat dans cette salle d'attente pour guider/accompagner/rassurer les patients qui viennent s'y faire, littéralement, charcuter de façon provisoire... 

En tout cas, moi, j'aurais aimé recevoir, de la part de Bouledoguette, un sourire franc au lieu d'une poignée de mots-secs-et-sans-saveurs (comme les croquettes qu'elle doit ingérer au dîner) directement dans le visage. 

***

Alors que je terminais de remplir mon questionnaire, j'ai entendu ceci : 

- X-Mom est demandée au département de chirurgie d'un jour, svp. X-Mom est demandée au département de chirurgie d'un jour, svp. Merci. 

Je me suis levée debout, intriguée. N'étais-je pas "déjà" au département de chirurgie d'un jour?!?

- Ne suis-je pas déjà au département de chirurgie d'un jour?, ai-je finalement dit à voix haute...

Tous les patients de la salle d'attente m'ont regardée, intrigués et mi-souriants eux aussi. J'en était là de mes réflexions et prête à faire quelques figures de danse classique pour désennuyer la foule quand une voix rude est venue briser ce grâcieux moment d'absurdité.

- Vous-devez-vous-rendre-au-bout-du-corridor-qui-se-trouve-à-votre-gauche-et-ensuite-vous-allez-au-poste-à-votre-droite-à-la-chirurgie-d'un-jour.

C'était Bouledoguette qui venait d'aboyer, toujours sans lever les yeux. Woouh-wouaf.

En passant devant la responsable-dudit-département-d'accueil-canin, j'ai lâché un "Si-vous-êtes-de-bonne-humeur-ce-matin, il-faudrait-le-dire-à-votre-visage-tsé" et j'ai continué mon chemin, non sans ressentir un vilain plaisir d'avoir moi aussi, aboyé, en quelque sorte.

Rendue à destination, deux infirmières m'ont accueillie avec un large sourire et l'une d'entre elle m'a indiqué où se trouvait mon "lit d'attente". 

J'ai lâché un soupir de soulagement. La gentillesse était donc au rendez-vous. Ouf. Et yé.

Parle-parle jase-jase avec l'infirmière qui a noté, à sa grande surprise, toutes mes allergies, intolérances et particularités médicales et qui m'a expliqué, avec tant de douceur, les étapes par lesquelles je passerais avant de disparaître derrière les portes du bloc opératoire. 

Bien installée sur un lit-roulant, elle a déposé une couverture chaude sur mes jambes et m'a annoncé que ma chirurgie aurait lieu à 10h15. 

Il était 8h15, j'avais donc deux heures devant moi. Selon elle, vers 9h00, l'on viendrait me déplacer dans la zone pré-opératoire où je rencontrerais alors le chirurgien et l'anesthésiste. 

J'ai donc saisi mon bouquin et après plusieurs minutes de découragement, j'ai réussi à trouver une façon de placer mon masque afin que mes lunettes puissent me permettre de lire et non de ne seulement servir qu'à être des miroirs de buées... 

Tout autour de moi arrivaient d'autres patients qui s'installaient eux aussi dans leur espace temporaire. J'écoutais parfois les conversations entre ces derniers et les infirmières et le constat était facile; tous les patients sont nerveux, insécures et inconfortables. Bien déguisés avec nos jaquettes superposées, nous faisions tous partie du même club sélect. 

Tout à coup, j'ai reconnu la voix du Monsieur très âgé. Aidé par l'infirmière-douceur, il s'est installé sur son lit-roulant et a commencé à répondre aux 1001 questions techniques. À un moment donné, le ton de l'infirmière a changé.

- Monsieur Z... Vous êtes sérieux, là?

- Ben oui, Madame La Garde-Malade, si je vous le dis...

- Mais Monsieur Z, il ne fallait PAS prendre vos médicaments contre le diabète...

- Ben c'est pas grave, voyons... j'ai juste pris ceux-là... Ma femme m'a empêché de prendre les autres, parce qu'a disait qu'y fallait pas que je les prenne... Mais si je prends pas ceux-là, je me sens pas aussi bien... Pis je me suis dit, je vais être à l'hôpital, ils vont bien savoir que c'est important que je contrôle mon diabète...

- Mmm... Monsieur Z... on vous avait pourtant donné une feuille sur laquelle on avait s-u-r-l-i-g-n-é les médicaments à ne PAS prendre...

- Mais non... je n'ai pas eu de feuille... Sinon, ma femme l'aurait lue...

- Attendez, Monsieur Z... Vous n'avez pas eu de feuille comme celle-ci, hier? 

- Ah non, je vous jure, ma belle madame... Pas reçu de feuille de même hier... 

- Bon, laissez-moi vous expliquer un peu... Vous savez ce qui se passe, Monsieur Z, quand vous prenez vos médicaments? Ça diminue votre taux de sucre dans le sang. Mais là, vous êtes à jeun depuis hier soir et votre taux de sang est déjà diminué. Et comme vous serez opéré pendant quelques heures et que vous en aurez pour quelques heures de réveil sans manger, votre taux de sucre sera rendu bas. Trop bas... vous comprenez?

- Je comprends... mais c'est si grave que ça? Je ne pensais pas mal faire... 

- Je sais Monsieur Z, vous êtes si gentil... je vais aller discuter avec le chirurgien et je vous reviens.

À cet instant, une autre infirmière est venue me "rouler-couchée" jusqu'à la salle pré-opératoire. 

Je n'aurai jamais su si le vieux monsieur s'est fait opérer.

À mon réveil, j'étais dans un état de tel "rywioyh", que je ne me souviens pas de l'avoir croisé. 

***

À suivre (my god, je ne croyais pas écrire si longtemps sur "si peu"... on appelle ça "dégeler leeeentement du cerveau, hein?) ...


Ma carrière ferme demain!

En effet, c'est demain, à 8h00, qu'un chirurgien me retirera cette saprée pochette biliaire, qui, à défaut de renforcer mes talents en mathématiques, me faisait faire des calculs indésirables (sortez donc Sol de ce corps en même temps! haha) et me causait, oui oui, un stress supplémentaire dans mon train-train quotidien où les wagons débordent déjà! 

***

Attention, attention ! À la météo d'écrivailleuse, je crois qu'on annonce une pluie de jeux de mots intermittente... Parez-vous d'un parapluie, ou d'un parasol... vous êtes, après tout, dans les rayons de Marie!

***

Donc, disais-je, demain matin, je serai libérée de ma carrière de tits-cailloux douloureux et je serai au repos forcé pour les quatre prochaines semaines... Quand je dis repos, les neurones se feront toujours aller à la puissance 1000 (espérons-le), mais le "body" devra guérir SANS manipuler/transférer/déplacer l'enfant qui, de jour en jour, grandit et grossit... Car comme le dit le tit-feuillet post-opératoire, "il faut éviter de soulever plus de 5 kilos pendant au moins les 4 prochaines semaines" et X-Boy... hem, il pèse 25 kilos. 

Ainsi, cela me paraîtra plus que déstabilisant de ne PAS pouvoir effectuer tant de tâches routinières depuis déjà 12 ans... Si la chose était possible et réaliste, je m'exilerais loin loin de la maison pour les deux premières semaines, car ouais, je trouverai ça vraiment difficile de regarder X-Man se dépêtrer avec toutes ces tâches... tâches qu'il devra intégrer dans sa routine de télétravail, qui plus est... 

Mais bon, je pourrai effectuer les tites-tâches qui n'impliquent pas de "forçage" et surtout, je sens que j'agirai à titre de "conseillère en gestion du temps" pour X-Man qui, ma foi, n'était pas disponible quand l'organisation temporelle s'est présentée devant son berceau... Si c'est possible, X-Man sera en retard à ses propres funérailles, c'est vous dire l'ampleur de.

Pour X-Man, le temps est un concept ultra-élastique... mais seulement dans "son" univers... Je n'ai jamais vu quelqu'un être aussi stressé par le temps et perdre autant de temps à justement, se stresser avec ce dernier... Vous me suivez? 

Car X-Man, il n'est pas lent... même s'il est toujours en retard. Il est plutôt surstimulé et affecté par une propension à mettre TOUTES les priorités dans le HAUT de la liste... En langage savant et moderne, on qualifie ce comportement (fascinant au plus haut point) de TDAH. Oui oui, ce fameux acronyme qui définit désormais une trâlée de marmots et d'adolescents et même d'adultes qui, avec respect, ont enfin une meilleure compréhension de leurs neurones surstimulables et surstimulées. 

Bref, X-Man est un splendide représentant de cette catégorie de gens qui ont, à la place d'un seul cerveau, douze mille cerveaux qui réagissent en même temps sous leur boîte crânienne... 

À titre d'exemple? 

Pas plus tard que ce matin, j'étais limite en retard (à cause d'un caca imprévu à changer de la part du garçon!) pour amener ce dernier à l'école... 

Chaque matin, X-Man m'aide à installer le fauteuil roulant dans la minivan, car, si vous n'étiez pas au courant, j'ai, depuis un mois, une joyeuse bursite à l'épaule gauche (résultat de trop de transferts/déplacements d'enfant au fil des ans) et des gestes aussi banals que d'attacher des sangles au niveau du plancher me font grimacer de douleur... 

Bref, ce matin, on sort en même temps sur le balcon, X-Man poussant le fauteuil et moi le suivant avec en mains les clés de la bagnole et mon tit-masque. Avant de tourner vers la rampe d'accès, X-Man freine. Se tourne vers moi. Et ça part :

- Tu as vu, X-Mom? Hier, j'ai commencé à vider la piscine et malheureusement, le bouton de la pompe est bloqué... Il va falloir que j'aille chez Club Piscine pour voir ce qu'ils peuvent faire... car la pompe est neuve et est encore sous la garantie! Et tu vois, j'ai réussi à bien nettoyer la toile solaire et à la plier... d'habitude, je sacre après, mais cette année, ça a été facile... vive la sagesse, hein?

- Hen hen... c'est juste parce qu'on est pressé.

- Hein? Ben oui, je sais.

X-Man recommence à pousser X-Boy et trois pas plus tard, il s'arrête. Je passe à un cheveu frisé de lui rentrer dedans. Il se retourne.

- J'ai un rendez-vous à Verdun cet après-midi. Mais je ne ferai qu'un aller-retour pour apporter des documents, parce que tsé, je ne peux pas rentrer dans la librairie... Je suis tanné de la pandémie... T'as vu dans le journal ce matin, la manif d'imbéciles qui réclament la liberté de ne pas porter un masque? Ils scandent des niaiseries et mélangent tout!!! Franchement, il y avait une pancarte sur laquelle il était écrit, avec plein de fautes, c'est sûr : "Pas besoin de masque, l'amour suffit". !!! Dis ça aux gens qui sont aux soins intensifs... ou à ceux qui ont le sida!!!

- Hen hen... tu peux me parler de ça en marchant, mon chéri?

- Hein? Ben oui... voyons... X-Boy va être en retard...

X-Man se rend jusqu'à la voiture, puis s'arrête. Me regarde et me dit : 

- Tu crois que le voisin a changé de voiture? Ça fait plusieurs jours que ce n'est plus sa Mazda noire, mais une bleue... C'est une belle couleur... mais ça va passer de mode, peut-être... Qu'est-ce que tu en penses? Je regrette encore ma Matrix bleue... si j'avais pu avoir cette couleur sur ma nouvelle auto... Est-ce que c'est turquoise, cette couleur-là?

- Hein??? Ben non!!! C'est bleu-gris... Zéro vert dans cette teinte-là... Coudonc, es-tu nouvellement daltonien?

- Haha... je suis toujours mélangé dans les couleurs... toi tu as des yeux bioniques... voir si la majorité du monde voit qu'il n'y a pas de vert dans cette teinte-là... Comment on fait du turquoise, d'ailleurs?

- !!! Ok... X-Man, je te donnerai un cours sur le cercle chromatique une autre fois... là, il faut "vraiment" que tu attaches X-Boy dans la voiture... 

- Hein? Ben oui... Hahah, je m'excuse!!! Je suis vraiment TDAH, hein?

- Hahah! Oui!!!

***

Fin de l'exemple, car il fallait vraiment que je parte pour l'école avec l'enfant qui, ma foi, avait vieilli d'un an pendant tout ce temps! 

***

Vous comprenez donc un peu mieux le portrait... 

Et ça va me prendre toute une palette de tact et de patience pour assister à tant d'égarements-mignons-malgré-tout et pour que X-Boy arrive à temps à l'école et en revienne chaque soir, avant minuit... 

Hahaha... 

***

Je crois que j'aurai de beaux tableaux à vous présenter lorsque ma carcasse sera disponible à nouveau pour que je pianote sur mon clavier-chéri...

***

D'ici là, je m'en vais m'enlever le vernis à ongles sur les orteils (c'est dans les consignes pré-opératoires), me laver à l'éponge antiseptique ce soir et demain matin et surtout, je m'en vais me calmer les petits nerfs avant, justement, d'aller me faire bourrer la panse de calmants!

***

Ah je ris... de me voir si belle en ce miroir...

Je lâche un peu X-Boy pour réfléchir à clavier haut en cette journée de rentrée scolaire sous le signe de la COVID19...

***

Je ne sais pas si c'est un effet secondaire de la pandémie qui sévit depuis bientôt sept mois, mais je me questionne fréquemment sur les réflexions ambiantes qui abondent, de-ci de-là, dans les actualités et surtout, comme les appelle avec justesse la Bombardier, dans les réseaux "asociaux"... 

Quand je flirte avec les Instagram de ce monde, les fameuses "stories" de Facebook, je suis subjuguée de constater à quel point la "beauté" domine sur le message. (et au fait, y'a-t-il-un-message?) 

C'est moi ou il n'y a plus moyen de présenter une photo ordinaire, sans retouche, sans tites-étoiles dans le contour, sans effet de contrejour ajouté, sans émoji, sans tite-toune-de-circonstante, bref sans blingblingpowpowchikachikawowwow? 

Elle est où, la beauté naturelle? La photo réellement prise sur le vif? La photo-pas-selfie-pantoute, mal cadrée mais juste prise par réel besoin utile pour ses archives de conserver un souvenir? Il est où le respect pour l'image honnête? 

Est-ce qu'en 2020, alors que les femmes sont de plus en plus présentes dans les hautes sphères décisionnelles et entrepreneuriales, il faut encore a-b-s-o-l-u-m-e-n-t se présenter au public sous notre meilleur jour "ever" (car il "faut" utiliser de l'anglais dans nos petits textes... le "big love", le "je te feel" est tellement important...)??? 

Alors qu'un mouvement de femmes, si petit soit-il, revendique le "bra-free", comment se fait-il que les cliniques de chirurgie esthétique roulent sur l'or et que les vingtenaires se botoxent les rides du sourire et du lion parce que "hey, c'est pas vrai que je vais avoir des rides tu-suite, tsé, j'ai une image à conserver"?

Comment se fait-il que lorsque je parcours les Instagraves (haha) et les "stories", quand j'ai du temps à perdre (mais surtout parce que je suis un peu voyeuriste, humanité oblige), je vois des milliers de photos de femmes dans la trentaine et la vingtaine qui se ressemblent toutes, au final?

Où elle est, la singularité? Pourquoi ces femmes ont-elles pour la plupart de longs cheveux de sirène avec des ondulations pseudo-naturelles dans le bas des cheveux? Avec "for sure" un ombré naturel (payé au bas mot 500$ chez un.e coiffeur.euse réputé.e) qui en fait, n'est autre chose qu'un procédé de repousse créé artificiellement, alors que, il me semble, quand on se teint les cheveux, on abhorre le moment où une repousse se pointera dans le décor? 

Pourquoi ont-elles pour la plupart des faux-cils, des faux-ongles, un maquillage savamment appliqué (thanks to you, youtube, without you, i would not survive), un sourire mi-ouvert (il faut appuyer sa langue derrière les dents du haut, ça fournit un sourire mystérieux et sensuel, you know...) et dans d'autres cas, un éclat de rire ultra-calculé, car du fun, on en a TELLEMENT quand on se prend en photo pour la 1231253 fois dans la même heure?

Il est où le temps où, lorsque l'on se rencontrait entre amies de filles, on se parlait SANS se photographier ou se filmer? Sans se mettre en scène? Sans placer les tits-cupcakes achetés chez la pâtisserie sans gluten (car le gluten est l'ennemi # 1 du ventre plat) sur la table au faux-fini de bois de grange ou encore les tapas payés une fortune mais hey, on sait se gâter dans la vie et des petites portions, c'est santé?

Il est où le temps où quand les filles se plaçaient pour se faire photographier, elles ne savaient PAS qu'il fallait être de côté, mettre la main sur une hanche, étirer le cou légèrement vers l'avant pour faire disparaître le double menton et SURTOUT, rentrer son ventre car oh, c'est la première chose qu'elles vérifieront sur leur tit-écran personnel quand la plus vite d'entre elles aura partagé la photo de leur réunion SO PRECIOUS SO PERFECT SO REAL #iloveyougurls #iwillgetthecovidbutidontcarebecauseimsoyoungandpowerful ?!?

Il est où le temps où les filles ne portaient pas toutes les mêmes vêtements parce qu'elles assumaient leur identité et ne se fiaient pas religieusement aux diktats des youtubeuses et des #occupationdoublewannabe?

Il est où le temps où les filles faisaient du sport dans un but personnel et non pour se montrer le mollet bien galbé parfaitement hâlé sur leur planche de paddleboard gossée par un ébéniste au look androgyno-lumberjack? 

Il est où le temps où l'on n'était PAS au courant que notre voisine avait couru 4 km aujourd'hui, même sous une température de 38 degrés à l'ombre et même si elle avait une déchirure du ligament qui lui était arrivée lors de son dernier bootcamp dans un lieu #topsecretmaistellement"in"?

Il est où le temps où l'on pouvait ne PAS être toujours dans un état de #purbonheur, #vierêvée, #mesamiessonttoutemavie, #laperfectionexiste (et est commanditée)???

***

Vous savez quoi? Dernièrement, j'ai osé critiqué de vive voix, par simple curiosité, des personnes qui s'affichent ainsi sans retenue sur les réseaux sociaux... J'ai osé les questionner à savoir pourquoi? pour qui? dans quel but? elles faisaient la promotion malsaine (selon moi) de l'image de la fille trop en forme, trop bien entourée, trop bien coiffée en tout temps, trop maquillée? 

Et qu'est-ce que j'ai reçu comme réponse?

Que contrairement à elles, j'étais à 100% dans le jugement. 

Que ces filles, elles, ne jugent JAMAIS les autres. 

(C'est moi où quelqu'un qui scande ne JAMAIS juger est assurément dans le jugement total, car en train de juger ceux qui jugent? Héhé, je préfère mon honnêteté et dire que oui, je juge avec un certain bonheur intellectuel chiant, permettez-moi de vivre...)

Elles ne "sont pas là-dedans". Comme elles me l'ont répété : "elles ne vont pas là"...

(Avez-vous remarqué que dernièrement, ces expressions sont utilisées à toutes les sauces? Moi j'appelle ça de l'évitement. Du politically "ta yeule, on ne veut pas se faire déranger dans notre monde de licornes".)

Eh bien moi, j'ai eu envie "d'y aller, là"... De me lever le féminisme et de montrer un peu les dents. 

Si l'on n'a plus le droit de confronter, de questionner, de créer des débats, des discussions, des émois, des colères, des désaccords, des chocs d'idées et de valeurs, que deviendra-t-on?

Nous deviendrons la société actuelle.

Une société où la moindre critique est un désaveu. Où les opinions négatives ne sont que le reflet de frustrations personnelles. Où l'indignation domine la réflexion. Où la fermeture s'abat sur l'ouverture d'esprit...

Si les femmes d'aujourd'hui veulent se faire entendre, il faudra qu'elles utilisent des mots. Les bons, les plus forts, les plus adéquats. 

Et l'avantage avec les mots, c'est qu'on ne peut pas les maquiller ni les photoshoper...

Quoique si... car si l'on constate les évolutions du vocabulaire, les mots sont rendus des armes... 

Qui ose dire, de nos jours, sans risquer le bûcher, qu'une personne est naine? Qu'une personne est sourde? Qu'une personne est une secrétaire? Que Nathalie Petrowski avait raison de chiâler?

***

Je regarde les mouvements sociétaires prendre naissance ces temps-ci et ça me fout les jetons...

La culture de l'image, la culture de la dénonciation sans preuve, la culture du "personne n'est perdant" ne permettent pas, et c'est mon opinion, à une société de se construire un avenir solide et rassurant... 

Quand je regarde comment, dans les musées, en littérature, au cinéma et même dans les lieux publics, on sabre dans les mémoires pour les remplacer par du "zéro blessant", je trouve qu'on blesse la plus belle partie de l'humain.

Soit sa liberté.

Sa parole.

Sa nature.

L'essence même de sa distinction.


Voyage au pays imaginaire...

Je vous en avais déjà glissé mot, mais je rêvais depuis des années de visiter le Children Hospital, car bien des parents m'en avaient parlé en si grand bien en comparaison avec Ste-Justine...

Eh bien, la petite porte ouverte vers ce grand hôpital par l'entremise d'une pédiatre de la banlieue m'aura permis de réaliser un de mes fantasmes médico-parental; visiter "l'autre" hôpital pédiatrique et en "bénéficier"... ouuuh.

***

Et là, je ne ferai pas le procès de Ste-Justine, car X-Boy y a obtenu très souvent des soins de très grande qualité et il y a des perles dans cet hôpital qui ne méritent pas du tout que l'on referme l'huître totalement... (eh la métaphore aujourd'hui! ahah)
Mais je vais vous exposer ma vision de la "patente".

***

Jeudi matin, je suis donc allée récupérer X-Boy qui séjournait paisiblement au centre de répit et qui, en me voyant, s'est mis à se taper la tête et à grincer fort fort des dents... Ok, "je" stresse mon fils à ce point? Ou c'est plutôt le fait que X-Boy devait bien ressentir le fait que je le "sortais" du pays des Câlinours où son éducatrice ne fait que le chouchouter à longueur de journée pour l'emmener à un autre sempiternel rendez-vous médical...

Grâce au gps et à ma désormais plus grande confiance en mes capacités de conductrice dans la grande métropole, nous nous sommes rendus à bon port sans anicroche. Yé!

Là où ça s'est compliqué, c'est à l'arrivée. Il y avait maints travaux routiers à l'entrée de l'hôpital et je ne comprenais pas du tout "où" était le stationnement... Par chance, un "jardinier des plates-bandes afférentes" m'a expliqué vers quels "cônes oranges" me diriger et zou, nous nous sommes retrouvés à l'entrée du stationnement souterrain qui comportait 4 étages. Woah. Et sur un panneau lumineux, on indiquait même le nombre de places disponibles sur chaque palier. Palier 1 : complet. Places pour handicapés : 3. J'ai donc roulé la caravan tranquillement dans le dédale du palier 1 pour ne PAS trouver du tout les 3 places restantes...

Après avoir viraillé pendant une dizaine de minutes, j'ai demandé de l'aide à une automobiliste pour trouver l'accès au palier 2. C'était simple, c'était juste à côté de la "sortie". Simple? S'ils le disent...

Arrivés au palier 2, j'ai roulé un gros 5 minutes puis tadaaaam, une panoplie d'espaces vides! Je n'avais toujours pas trouvé les places pour handicapés, mais soit, j'ai choisi un endroit très au fond, très isolé et qui me permettait d'ouvrir la rampe du véhicule dans un espace réservé aux piétons...

Ensuite, j'ai sorti le petit-grand du véhicule et nous avons marché pendant un bon 5 minutes... J'ai commencé à avoir chaud... Mais où se trouvait donc l'ascenseur pour accéder à l'hôpital???

Après un autre 5 minutes de marche, nous y sommes arrivés... C'était VRAIMENT loin!!! Et qu'ai-je vu tout près de l'ascenseur? Une vingtaine de stationnements LIBRES pour les véhicules adaptés... Ils étaient donc "là"? Mais bon, on était déjà trop près de l'heure du rendez-vous en ORL pour rebrousser chemin et déplacer la voiture à nouveau...

***

Nous sommes donc arrivés à l'entrée principale où un gentil gardien de sécurité a salué X-Boy et m'a indiqué où était l'admission, afin de faire faire la carte d'hôpital du gamin.

Et c'est là où la différence entre les deux hôpitaux pédiatriques m'est apparue clairement... Dans tout le corridor cette entrée se trouvaient une multitude de concessions qui nous faisaient complètement oublier que nous étions dans un hôpital!..

On y retrouvait un Sushi Shop, un Amir, un M. Bretzel, un fleuriste, un magasin de jouets, une petite librairie, trois ou quatre magasins de vêtements et mon coup de coeur, un petit bar laitier...

Vous imaginez le pur bonheur pour un enfant ET un parent d'avoir accès à un petit cornet de crème glacée ou de sorbet (pour les sensibles comme nous!) après une pénible et trop longue journée de rendez-vous aux diagnostics souvent bien troublants? Vous imaginez le bonheur pour un parent de manger un "shish taouk" au lieu d'un tit-sandwich frette d'une cafétéria, et ce, pour le même prix? Vous imaginez un parent qui peut choisir un livre i-n-t-é-r-e-s-s-a-n-t pour lui-même ou encore pour son enfant qui a besoin, lui aussi, de s'évader de la réalité grâce à la lecture? Une lecture "autre" que celle d'un guide du parfait usager en milieu hospitalier fourni gratuitement dans chaque département?

Comme le dirait Elvis Gratton, "ils l'ont l'affaire, les anglais".

Car oui, le Children est un hôpital entièrement bilingue, mais il n'en demeure pas moins qu'il relève d'une philosophie anglo-saxonne de par sa liaison directe avec l'université McGill et que les anglos-saxons, ils ont ce côté très "levées de fonds à ÉNORME déploiement et ce côté "kermesse communautaire" qui semble beaucoup moins encouragée chez les francophones...

Chaque culture a ses qualités et ses défauts.

***

Ainsi, nous nous sommes retrouvés dans une courte file pour faire faire la carte du gamin qui tentait de s'évader loin loin avec son fauteuil roulant. Désormais, sortir en public avec le garçon s'avère plutôt sportif... Il VEUT rouler lui-même et il PEUT, c'est bien ça la beauté de la chose... et en même temps le "problème"... Car cette découverte d'autonomie entraîne chez lui une impatience et une fâcheuse capacité à foncer dans les mollets de sa mère pour manifester son mécontentement... (Ne cherchez plus pourquoi j'ai plein de bleus sur les jambes...)

***

Devant nous, et à 2 mètres, se trouvaient un papa et son fils d'environ 5 ans. Le papa, la tête bien penchée sur son cellulaire, ne voyait PAS son fils planifier un étrange mauvais coup... Mais moi, je l'observais attentivement, le gamin espiègle... Tout d'un coup, ce dernier a enlevé un soulier. J'ai tiqué d'un sourcil. Puis, il a saisi ledit soulier entre ses mains. Et, en regardant tout en haut, il s'est mis à sourire de toutes ses magnifiques dents blanches tout en lâchant un discret "ouiiiiiii!!!".

Et là, il a LANCÉ son soulier de toutes ses forces VERS LE HAUT!!! Le soulier doit avoir atteint presqu'un étage de hauteur avant de retomber en tournoyant à toute vitesse DIRECTEMENT en direction de la tête de son père!!! D'instinct, j'ai reculé X-Boy et j'ai crié au papa : "ATTENTION!!!"... Par "chance", ce dernier s'est tassé vers nous à la dernière seconde et POC!!!, le soulier est tombé sur le sol, à 1 cm de ses pieds.

Le sermon qu'a reçu le gamin??? Hahaha, j'en ris encore. Et en même temps, je me suis dit : "t'avais juste à lâcher ton estie de téléphone...".

***

Quelques minutes plus tard, nous avons obtenu la carte de X-Boy et zou, direction ORL.

***

Le rendez-vous était prévu à 11h30. Il était 11h35. La secrétaire, bien cachée derrière sa cage de plexiglass nous a demandé de nous asseoir dans la salle d'attente et a précisé qu'elle viendrait nous chercher et nous ouvrir la porte elle-même, le temps venu. Elle "ouvrirait la porte"? La COVID nous fait nous sentir importants, c'est peu dire...

***

Une heure a passé et X-Boy se tapait toujours autant la tête. Je ne savais plus trop comment le calmer, surtout que lorsque je porte un masque, il refuse catégoriquement de me regarder. C'est troublant. Mais par ailleurs, c'est troublant pour tous, non, le port du masque? On ne sait jamais si les gens autour de nous sont heureux ou non. Et comment X-Boy peut-il imiter nos sourires s'il ne les voit plus?

Finalement, vers 12h50, X-Boy a été appelé à la "chambre 5". Déjà, en comparaison avec le département d'ORL de Ste-Justine, le Children marque un point. Car le temps d'attente en ORL y est généralement de 2 à 3 heures...

La secrétaire est venue nous ouvrir la porte et nous nous sommes dirigés vers la chambre 5. La traduction de "room 5" pour "chambre 5" m'a fait sourire... On dit "salle", pas chambre"... Héhé.

Et là, j'ai aimé d'emblée ce que j'ai aperçu dans la "chambre 5". Qu'est-ce qu'on y retrouvait? L'ORL!!! Contrairement à Ste-Justine où, lorsque l'on nous dirige vers une salle, on nous y fait attendre encore une bonne heure, ici, au Children, la spécialiste se trouvait DÉJÀ dans la salle?

Wow.

Cette dernière nous a accueilli avec un large sourire derrière le masque et je lui ai expliqué le topo. Elle écoutait attentivement, posait 1001 questions et a demandé à X-Boy si elle pouvait lui examiner doucement les oreilles.

En guise de réponse, il a grincé des dents et s'est tapé la tête.

- Il est très nerveux, X-Boy, hein? Dès que je m'approche de lui, il respire vite, il grince des dents... et il se tape le côté gauche, comme vous me le mentionniez tantôt...

Elle a saisi tranquillement son otoscope et a yeuté l'oreille droite du gamin. Aucune réaction. Mais quand elle a regardé dans son oreille gauche, tout de suite, X-Boy a agrippé du revers de la main la blouse de l'ORL et s'est mis à se tortiller dans son fauteuil.

- Ok, X-Boy... je fais ça vite...

J'ai dû tenir les mains du garçon pour éviter un égorgement possible... Tsss.

- X-Mom, je vous explique. Vous pouvez cesser immédiatement les gouttes otiques. Il n'y a plus d'otite du tout dans son oreille gauche. Et il n'y en a aucune dans la droite. Ses oreilles sont en parfait état. Pas de rougeur, pas de tympan percé, pas de liquide derrière le tympan.

- !!!

- Je vois qu'il a eu une otite externe il y a quelques semaines... mais ce n'est pas, selon moi, la raison de sa douleur et de ses symptômes actuels qui persistent... Vous savez ce que je crois?

- ... Non... je vous écoute attentivement.

- Il semble avoir un problème avec sa mâchoire. On appelle ça un trouble tempo-mandibulaire. Le muscle de la jointure gauche de sa mâchoire semble se coincer ou un truc dans le genre... D'où le fait qu'il grince autant des dents et qu'il se tape la tête toujours du côté gauche... Tout est localisé dans cette zone, car lorsqu'une personne a ce genre de trouble, ce sont tous les muscles sollicités par la mâchoire qui en souffrent... Ainsi, la douleur irradie en partant de la joue, près de l'oreille, au-dessus du crâne et en arrière du crâne, tout près de la nuque... et ça descend jusque dans l'épaule... d'où le fait que, vous le constatez vous-même, votre fils est très crispé des épaules... Et vous savez quoi? Ça semble s'amplifier lorsqu'il est nerveux... comme lorsque je m'approche de lui...

J'ai ajouté :  Ou lorsqu'il se déplace ou s'allonge... si je comprends bien, tous les mouvements liés à son "cou" peuvent le déranger... Ce qui expliquerait pourquoi dernièrement, il ne veut plus dormir, car il doit bouger inconsciemment de la mauvaise façon en dormant et ça recoince?

- C'est très possible... Ce sont des douleurs très vives et selon moi, il a une belle inflammation persistante... Je peux vous montrer les zones à masser sur une personne qui souffre de ce genre de problématique?

Elle a mis des gants, je me suis assise et elle m'a montré, en faisant des points de pression et des massages très profonds, les différentes zones sur ma joue, mon crâne, mon cou et dans mon épaule... Ensuite, elle m'a demandé de faire un massage (tel que rapidement appris) sur la joue de X-Boy.

Au départ, j'étais convaincue que le gamin m'empoignerait la main pour me la tasser avec sa non-délicatesse ces derniers temps dès qu'on l'approche, mais non... il s'est laissé faire et un peu de magie s'est produite après 4-5 minutes... Le petit a fermé doucement les paupières, il a laissé tomber ses bras sur les appui-bras et dans un énorme soupir, il s'est littéralement endormi.

!!!

L'ORL a été tellement charmée - et surprise - qu'elle a eu les larmes aux yeux est s'est exprimée ainsi...

- Mais c'est magnifique, sa réaction... C'est d'une douceur et en même temps, c'est troublant... car imaginez la tension qu'il ressent si un simple massage "au bon endroit" le fait s'abandonner ainsi... il doit être épuisé, cher garçon...

J'étais émue aussi. Car pour avoir expérimenté des massages de haute qualité chez Fée-Rouk, je sais à quel point l'on peut s'effacer momentanément de la planète lorsque des doigts habiles nous défont les contractures et nous enlèvent ces noeuds invisibles et pourtant si nuisibles...

J'ai cessé ledit massage pour poursuivre la discussion avec l'ORL... et X-Boy s'est aussitôt réveillé en hurlant, en saisissant ma main et en la plaçant derrière sa tête, là où il se tape régulièrement... et là où l'ORL m'avait montré un point de massage... Re-Wow... J'ai massé cette région et zou, le petit est retourné au Lalaland tandis que l'ORL avançait l'hypothèse qu'elle avait "mis le doigt sur le bobo" et qu'il fallait de ce pas référer X-Boy en clinique de maxillo-faciale pour qu'il ait un suivi spécialisé en troubles de la mâchoire...

J'ai questionné :

- Je suis d'accord... mais comment je fais pour obtenir un rendez-vous? Vous devez passer par son pédiatre à Ste-Justine?

- Hein? Bien non... Je vais lui faire une requête et vous la donnerez à ma secrétaire en sortant. Le département vous contactera ensuite pour planifier un rendez-vous. Pourquoi me regardez-vous ainsi, X-Mom?

- !!! Ben... c'est parce qu'à Ste-Justine, sans vouloir comparer et c'est pourtant ce que je fais!, il faut aller soi-même porter la requête au bon département et ensuite, il faut bien souvent téléphoner nous-mêmes pour prendre un rendez-vous, car les papiers semblent se perdre...

- !!! Ah non, ici, le parent n'a pas à faire les téléphones... vous avez bien d'autres choses à faire, non?

J'ai souri largement. Ça existe, une bureaucratie simple??? Pincez-moi!!!

Ensuite, elle m'explique que si le maxillo ne trouvait pas la cause exacte des douleurs, il faudrait qu'il soit vu en crânio-faciale.

- Ah ben oui... crânio-faciale.. À Ste-Justine, ils ont fermé son dossier dans ce département, car ils disent que sa chirurgie crânienne ne peut avoir aucune incidence dans les crises de douleur de X-Boy... ce dont j'ai toujours douté, mais qui suis-je?

- Voyons... drôle de raisonnement, car sa chirurgie touche exactement les zones mandibulo-temporales... il se peut que la croissance du crâne ait un impact sur les plaques et les vis et tout cela peut causer des tensions... ce n'est pas mon département, mais si on y réfléchit...

J'ai failli embrasser cette spécialiste. Drette là. Mais bon, je sais me retenir. Et je préfère X-Man, tsé.

- Et ce sera facile d'avoir un rendez-vous en crânio?

- Bien sûr. Mais X-Mom, est-ce que vous souhaitez que X-Boy soit suivi ici, au Children?

- Hein?!! J'ai "cette option"??? On m'a dit, à Ste-Justine, que c'était IMPOSSIBLE d'avoir un suivi dans les deux hôpitaux... J'ai déjà fait une demande ici pour avoir une deuxième opinion et on m'avait dit que je devais faire une plainte à l'ombudsman et demander que Ste-Justine transfère TOUS les dossiers de X-Boy... mais je ne voulais pas perdre TOUS les services de Ste-Justine, je voulais tout simplement obtenir une deuxième expertise, car ça stagnait à Ste-Justine...

- Mmm... et dans quel département vous vouliez un deuxième avis?

- En neurologie.

- Ah voilà, tout s'explique! C'est "impossible" de rentrer en neurologie ici... Ils ne vous ont juste pas donné la vraie raison... La vraie raison, c'est qu'il y a trois ans d'attente pour un nouveau suivi en neurologie, alors quand un enfant a besoin d'un "deuxième avis", ils le refusent d'emblée, car il a déjà un neurologue attitré à son cas dans un autre hôpital...

- ... J'aurais aimé qu'on m'explique cela au lieu de me faire croire que les démarches étaient si impliquantes et décourageantes...

- En effet. C'est un peu dommage, car beaucoup d'enfants sont suivis par des spécialistes et ici, et à Ste-Justine, car parfois, les docteurs n'ont pas la même vision du même cas...

- En tout cas, merci beaucoup d'avoir pris le temps de tout m'expliquer et de nous offrir une place "parmi vous" pour une prise en charge d'un patient "atypique"... On ne se reverra donc pas, chère ORL?

- Non... les oreilles, le nez et la gorge (elle avait aussi vérifié!) sont A1! Mais s'il y a quoi que ce soit, son dossier demeure ouvert et je vous recevrai avec plaisir! Bon été et amusez-vous avec Édouard, c'est un splendide jeune homme!

***

Nous sommes partis de là, le coeur léger. En fait, le mien... car celui de X-Boy semblait être retourné dans une sourde douleur de mâchoire tendue, vu que je ne pouvais le masser tout en conduisant le fauteuil... J'ai un profil "tentaculaire" pour gérer 1001 dossiers en même temps, mais physiquement, je n'ai rien de la pieuvre... surtout pas sa texture caoutchouteuse! ark-e.

***

En arrivant au centre de répit, j'ai expliqué l'hypothèse à son éducatrice et je lui ai montré où et comment faire les petits massages pour soulager X-Boy quand il grince des dents/tape sa tête... Et devant elle aussi, le garnement s'est endormi... Ainsi, j'ai laissé X-Boy aux bons soins de cette petite fée qui adoooorait l'idée de lui faire des massages et d'avoir enfin une solution "autre que médicamenteuse" pour le soulager...

***

Je suis remontée dans la voiture, j'ai lâché un énorme soupir et je suis rentrée tranquillement à la maison. X-Man m'attendait dans la cuisine, lui qui venait de partir deux brassées de lavage, de faire la vaisselle et quoi encore... Il avait besoin de s'occuper l'esprit, n'ayant pu nous accompagner au rendez-vous, COVID oblige...

X-Man a également poussé son soupir de soulagement quand je lui ai raconté le dénouement de cette visite et nous nous sommes tranquillement dirigés vers la piscine.

Ce soir-là, nous sommes allés chercher du resto. Et ça goûtait le ciel, parce qu'il y avait justement, au-dessus de nos têtes, un nuage noir en moins.

***

Le lendemain matin, nous nous sommes réveillés apaisés.

Nous avons passé la journée dans la piscine, avec quelques pauses siestes ou compétitions de go-kart sur la PS4.

On avait envie d'être des gamins.

D'être des enfants en vacances d'été qui n'ont d'autres soucis que celui d'exister pleinement.

***

Le soir venu, nous sommes sortis en amoureux au restaurant "style shak de plage" où l'on sert d'excellents burgers de tout acabit et où la musique nous a ramenés à notre époque étudiante, alors qu'on sortait dans les bars et qu'on discutait entre amis jusqu'aux petites heures du matin.

***

Aujourd'hui, la journée fut encore plus tranquille et remplie de franches rigolades.

Dans la piscine, chacun sur notre flotteur gonflable, on s'est raconté des bouts d'enfance, des bouts d'expériences sportives où l'on n'avait aucun talent.

On s'est raconté des bouts de vie, que l'on ne connaissait pas encore, l'un de l'autre.

On s'est mis à rêver à "si X-Boy était normal" et à lui créer un personnage. Serait-il bavard comme ses parents? Rêveur comme sa mère? Aurait-il une mémoire incroyable comme son père? Serait-il souriant ou mystérieux? Artistique ou pragmatique? Sportif ou pantouflard? Anxieux ou ultra-calme? Sociable ou ermite?

On n'avait aucune réponse.

Et c'était parfait ainsi.

Pour une fois.

Un parapluie, s'il-vous-plaît...

Le lendemain de mon dernier message, la douleur était si vive chez le gamin que je l'ai ramené à la clinique en fin de soirée...

Quoi de plus plaisant que de prendre la route un vendredi soir, en plein "début-de-vacances-de-la-construction", alors que les automobilistes se transforment en chauffeurs de go-kart et que les magasineurs sont compulsifs et agressifs dans tous les stationnements...

***

Sérieusement, on est en temps de pandémie et je crois que je n'ai jamais vu autant de personnes dans ce centre commercial à "ciel ouvert"... ça joue du coude, ça se regarde bêtement par-dessus le masque souvent glissé sous le nez (aaah...) et ça ne se tasse pas quand toi, tu dois passer avec ton môme qui hurle dans son fauteuil roulant et qui, tsé, DOIT rouler sur le trottoir AVEC sa mère derrière pour le guider parce qu'il ne peut PAS marcher et prendre "moins" d'espace, même s'il se tasse... tsé, un fauteuil, ça ne roule PAS sur une roue... tssss.

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Bref, quand nous sommes arrivés devant le portier, ce dernier à plissé les yeux en guise de sourire (c'est là où je vous jure, mesdames-qui-avez-si-peur-des-rides, qu'avoir des pattes d'oie, c'est vachement sexy ET surtout sympathique en temps de masquage-des-expressions-faciales!!!) et a salué X-Boy tout en nous posant les questions d'usage à savoir si on avait un quelconque symptôme associé à THE virus-mondialement-détesté-et-détestable. 

Il nous a ensuite guidé vers l'ascenseur et à notre arrivée à la clinique, la secrétaire nous a immédiatement reconnus et a "vu" X-Boy se cogner la tête avec violence contre l'appui-tête de son fauteuil... Elle a convenu : "Oh... encore son otite, X-Mom?" Ce à quoi j'ai soupiré : "Je ne sais plus... Est-ce possible? Il se frappe encore plus fort la tête depuis hier après-midi... J'ai beaucoup de difficulté à le contrôler... Il est rendu très grand et très fort...". La secrétaire nous a reposé les mêmes questions à propos de la COVID et nous nous sommes installés dans la salle d'attente. Pour une cinquième fois en cinq semaines. La chaise commence à avoir mes marques de fesses, c'est peu dire.

Devant nous, il y avait une mère et sa grande ado. L'ado pianotait sur son cellulaire tandis que la mère observait avec beaucoup de compassion le gamin qui se tapait la tête avec sa main... main que je tentais de contrôler en la prenant délicatement et en lui faisant faire des "high five" pour lui changer les idées... car méchante mère, j'avais oublié de lui apporter un jouet... (fatigue? mais voyons!)

Après une vingtaine de minutes à ne plus savoir comment lui retenir la main, j'ai eu l'idée de "voler" un gant de latex mauve et de le gonfler afin d'en créer un mini-ballon-en-forme-de-pseudo-pie-de-vache... Le jouet "homemade" a heureusement suscité beaucoup d'intérêt chez le garçon qui s'est même mis à rire (!!!) en taponnant les doigts-gonflables!

La mère s'est mise à rigoler tout bas et a dit : "Wow... il est tellement charmant, votre fils... je l'ai vu tout de suite quand il est entré; il absorbe toutes les énergies, bonnes et mauvaises... tel un ange d'une douceur impressionnante...".

- Vous le voyez "doux" malgré sa violence à se taper la tête?, lui ai-je répliqué en riant.

- Bien sûr... on le voit clairement que c'est la douleur qui le fait agir ainsi... car il dégage une telle pureté... une telle gentillesse.

Mes yeux se sont mouillés... Car en effet, c'est ce qui définit le mieux X-Boy. Et c'est ce qui me manque le plus ces derniers temps... Son calme et sa douceur envers lui-même et envers les autres...

Elle a proclamé haut et fort : "Il FAUT qu'il passe avant ma fille... c'est insupportable qu'il souffre autant!!!".

J'ai ri. Car elle arborait une telle force de caractère dans une si frêle stature... Sa fille était tout son contraire, par ailleurs! Un contraste magnifique. 

J'ai ainsi réagi:

- Vous êtes vraiment gentille... mais si votre fille souffre "en silence" (car elle ne se plaignait ni ne parlait... trop occupée avec son cellulaire), elle mérite tout autant de voir un docteur à l'heure prévue...

- Non, non non. Elle a 17 ans, elle est capable d'attendre. Hein, fille, que tu es capable d'attendre?

L'adolescente nous a souri et a dit gentiment : "Bien sûr... j'ai juste un petit bobo à régler et c'est ma mère qui conduit, faque... Hahaha!!!".

Un gros éclat de rire a envahi cette salle d'attente bien morne en un vendredi soir où l'esprit sociétaire était plutôt en mode "vacances".

La mère m'a raconté qu'elle avait 4 filles âgées de 16 à 26 ans et qu'elles avaient immigré il y a de nombreuses années du Liban. J'étais fascinée par son histoire, sa douceur et je me répète, sa force de caractère. Elle était vive, fière et vivante. Ça m'a fait un grand bien et X-Boy a "épongé" cette bonne humeur, car il avait cessé de pleurer/chigner et de se cogner la tête pendant cet échange qui aura duré au moins une bonne heure...

Comme l'avait exigé cette mère, X-Boy a donc "passé devant" l'adolescente et quand nous avons rencontré Pédiatre #5, cette dernière avait dans les yeux toute la détermination du monde. Il faut dire qu'il était rendu 21h00, que la clinique "fermait à 20h00" et qu'il lui restait encore des patients à voir!

- Bon, X-Mom. J'ai lu son dossier. C'est la cinquième semaine que son otite dure? Ça n'a pas de bon sens. Ça dépasse largement ma compétence de pédiatre. Laissez-moi lui regarder l'oreille et s'il y a encore une rougeur, j'envoie dans les cinq prochaines minutes une requête au Children Hospital pour qu'il soit vu en urgence par un ORL...

J'ai abondé en silence.

Elle a observé l'oreille et le verdict est tombé. Le conduit était encore rouge, l'enfant se tapait encore la tête et je suis repartie avec une nouvelle prescription de gouttes otiques, de même qu'une forte suggestion de lui donner du Advil/Tylenol en alternance pour le soulager...

Elle m'a dit qu'elle ne connaissait pas les "procédures en temps de COVID pour les consultations en ORL à l'hôpital", mais qu'elle espérait qu'il serait vu le lendemain ou le surlendemain.

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Pendant le trajet du retour, une grande fatigue physique m'est tombée dessus. Je conduisais comme un robot - par chance que je connaisse ce chemin par coeur - et je rêvais de dormir dès que nous serions rentrés à la maison...

Par chance (?), X-Boy s'est finalement endormi vers minuit et j'ai réussi à m'endormir rapidement.

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Samedi matin, X-Boy s'est réveillé vers 6h30, en gros pleurs. De un, il avait fait caca (gooood morning nez sensibles!!) et de deux, la douleur s'était réveillée. Je lui ai donc préparé des bouchées de céréales-saupoudrées-de-Advil et j'ai prié fort fort pour que la tempête se calme un peu en cette matinée où, je l'admets, j'avais le nervosité dans le tapis...

Car en fin d'avant-midi, X-Man revenait de son périple de camping... et il faudrait que je lui annonce que X-Boy n'allait PAS encore mieux? Quand il était parti, X-Boy était pourtant ultra-joyeux et souriant... Je devrais lui expliquer que c'est en lui faisant faire ses fameux bouchons que l'otite s'était réactivée? Que la "solution future" faisait partie du problème actuel et récurrent? Et surtout que nous devrions aller au Children dans les plus brefs délais et ainsi, faire de notre "semaine de vacances en amoureux" une possible "semaine-de-pas-de-vacances-en-amoureux-pour-cause-de-garçon-malade-encore-une-fois"?. Je devais "repartir le compteur d'angoisses" de X-Man qui, je l'espérais, avait réussi à décrocher et à se refaire une santé mentale en deux nuits loin du tumulte médical? Je me sentais comme un réel oiseau de malheur...

Et en même temps, je ressentais une encore plus grande lassitude face au fait que moi, je n'avais pas pu remettre mes compteurs à zéro. Mon compteur, il spinnait encore à 13525252 et il n'arrêterait pas de sitôt...

Car tout dépendamment de la date du rendez-vous de X-Boy, nous ne pourrions peut-être pas, de toute évidence, emmener le gamin au centre de répit Philou le mardi et partir ensuite en amoureux à Charlevoix du mercredi au vendredi. X-Boy devait rester au centre de répit du mardi au dimanche. 5 nuits de répit. 5 nuits pour dormir sans souci. 6 jours pour faire "autre chose" que d'empêcher un enfant de se taper la tête, de se mordre le pouce, etc.

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Quand X-Man est rentré, il a tout de suite vu le gamin, bien assis sur le sofa, qui se tapait la tête avec son ukulélé. Il a compris, en regardant mes yeux bouffis, que ça n'allait pas mieux. Que j'avais beau sourire et dire que "tout était sous contrôle", rien ne l'était vraiment. On a tous les deux remis en question et le répit et notre séjour en lointaine contrée. Devions-nous tout annuler? Devions-nous prévoir une longue hospitalisation?

Las de toutes ces questions, nous avons convenu de prendre les événements heure par heure. Et d'attendre l'appel de l'hôpital pour nous fixer dans nos plans.

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Cet appel, il est arrivé lundi matin, alors que j'étais dans un centre d'achats pas très éloigné afin de faire le plein de vêtements pour le gamin qui, ma foi, a grandi en l'espace de quelques jours ces derniers temps... (et s'il partait en répit, il n'avait plus assez de shorts et de bas de pyjamas, c'est vous dire à quel point on fait du lavage souvent ici!) La secrétaire m'a donc annoncé que X-Boy serait vu jeudi matin, à 11h30. 

Parfait, nous serions là sans faute.

J'ai terminé mes courses et je suis embarquée dans la voiture. Le coeur gros comme un rorqual à bosses (j'ai des gros seins), j'ai mis le dernier disque de Louis-Jean Cormier pour assouvir mon besoin de "penser à autre chose"... Je roulais ainsi, les esprits dans la musique et lorsque la chanson intitulée "Quand la nuit tombe" s'est mise à jouer, j'ai éclaté en sanglots... Cormier a le don, sur chaque disque qu'il produit, d'avoir une chanson qui me rentre dedans comme un dix-roues dans un tas de plumes...

Sur la route, j'ai fait un stop et c'est là que j'ai vu des lumières rouges et bleues s'allumer. !!! Oui. Un policier me suggérait fortement de me ranger sur le côté. En moins de deux minutes, j'étais stationnée et je ne savais pas comment je ferais pour "parler" au policier. Mon visage était un champ de désespoir...

Quand ce dernier est arrivé devant ma fenêtre baissée, il m'a dit, d'un ton assez ferme "Vous rouliez 76 km/h dans une zone de 50 km/h, Madame".

Je l'ai regardé droit dans les yeux et je ne pouvais pas parler tellement je pleurais. Il a figé. Et il m'a demandé si j'étais "correcte".

Et c'est sorti ainsi, tout croche, tout vrai, tout larmoyant au maximum.

- Écoutez, Monsieur l'agent... J'ai l'air d'une catastrophe ambulante, je ne m'en cacherai pas... Je suis complètement épuisée là là... Je viens d'apprendre que mon fils a un rendez-vous au Children jeudi et c'est une excellente nouvelle... mais ça veut dire qu'il ne pourra pas aller en répit et que je n'aurai pas de vacances cet été... Ça fait 5 semaines qu'il souffre, 5 semaines que je ne dors pas bien, 5 semaines que je suis-tu juste un peu tannée que ce soit toujours compliqué avec sa santé... et la mienne... je voudrais juste avoir une semaine SANS mauvaises nouvelles, SANS douleur chez personne, SANS déceptions, SANS plans qui tombent à l'eau, SANS bruits de tondeuses dans mon quartier - parce que ça aussi, je suis tannée du bruit tout partout - et c'était une mauvaise idée d'écouter Louis-Jean Cormier, aussi... Et je la mérite tellement, cette contravention... car ça me démontre à quel point je suis à bout de nerfs, moi qui ne roule jamais plus que 10km/h de plus que la limite, car j'haïs les gens qui sont pressés et qui croient que la vitesse va leur permettre de gagner du temps à un stop ou à un feu rouge... J'haïs la société en ce moment qui ne pense qu'à elle et là, j'en ai fait partie en roulant plus vite et en ayant pu causer un accident si j'avais manqué de vigilance en plus parce que j'étais juste trop dans ma tête et dans mon marasme ambulant qui m'habite depuis le début du confinement?!!

J'ai éclaté de plus belle. Le policier m'a tendrement souri. Il devait être dans la mi-trentaine, probablement un père de jeune famille.

- Donnez-moi votre permis. Et je vois bien que vous avez besoin de ventiler... Parfois, il vaut mieux laisser sortir son trop-plein que de garder ça pour soi... Ça ne semble pas évident, la situation de votre enfant. Je peux vous demander ce qu'il a, comme maladie? Car je vois bien que vous conduisez un véhicule adapté...

Il m'a posé 1001 questions sur X-Boy. Questions auxquelles je répondais avec parfois des rires, parfois des pleurs. Je ne comprenais pas pourquoi il s'intéressait autant à X-Boy. Mais je répondais, car tsé, on répond aux questions d'un policier...

Il est parti dans son véhicule avec mon permis et j'ai sorti de la boîte à gants, le tit-paquet de mouchoirs que je réservais aux "urgences". Sur mes mouchoirs, il y avait des petites fleurs imprimées. Ça m'a fait sourire tout en me disant que c'était triste de salir des tites fleurs avec de la morve de bonne femme éplorée... 

Les autres automobilistes passaient et ralentissaient pour regarder "qui" venait de se faire arrêter. Je le fais toujours moi-même, faque tsé.

Le policier est revenu avec dans ses mains mon permis et ma contravention. Il m'a expliqué que bien souvent, quand on roule, on ne se rend pas compte de notre vitesse, surtout si on écoute de la musique ou qu'on est fatigué. Je cochais les deux critères. Il m'a aussi rassuré en me disant que je n'avais pas commis une faute grave et que sur ma contravention, il avait inscrit que je roulais à 51km/h au lieu de 76. Ce qui ne me ferait pas perdre de point d'inaptitude et qui ne me coûterait pas trop cher. 49$ seulement. Il m'a demandé de prendre soin de moi, de rentrer calmement à la maison et surtout, d'embrasser fort fort mon fils parce que de toute évidence, il avait une très bonne maman.

Je l'ai remercié en pleurant de plus belle (moi, la compassion, ça m'affecte!!) et j'ai cherché mes clés. Car dans tout ce brouhaha, allez savoir pourquoi, j'avais retiré mes clés du contact et je ne les retrouvais plus!!! J'ai commencé à avoir chaud quand tout à coup j'ai pensé, "je dois les avoir mises dans mon sac à main. Comme si j'étais rentrée à la maison". 

Et c'est là qu'elles étaient. 

Dans ma tête, en me faisant arrêter, j'étais "déjà" rendue chez moi... 

Le subconscient nous livre des si beaux messages, après tout.

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En rentrant, j'ai tout raconté à X-Man. On en a ri un peu ensemble puis on s'est mis en mode solution. 

X-Boy irait quand même chez Philou dès mardi. On irait ensemble le chercher jeudi pour aller à son rendez-vous et si la solution était simple (genre des gouttes à lui administrer), on ferait confiance aux responsables du centre de répit. Après tout, les personnes qui travaillent à cet endroit sont formées pour s'occuper des besoins médicaux des enfants polyhandicapés.

Ensuite, on a annulé notre séjour à Charlevoix. En se disant que de toutes façons, on était tous les deux vraiment épuisés et que de conduire 12 heures (aller/retour) aurait été drainant. D'autant plus qu'en temps de pandémie, on se serait retrouvé à limiter nos allées et venues dans les endroits publics et on se serait retrouvé avec "encore une fois", des contraintes de "santé" (cette fois publique) à respecter et auxquelles penser dans une foule de situations.

Et le bonus dans tout ça, c'est que nous rêvons depuis des années que X-Boy puisse obtenir un rendez-vous au Children... car avoir un deuxième avis d'un autre hôpital spécialisé en pédiatrie peut s'avérer doublement bénéfique...

***

Alors voilà. On est est là. 

Nous sommes mercredi matin. 

X-Boy a passé sa première nuit loin de nous et aujourd'hui, nous n'avons RIEN à l'horaire. (Bon, ce matin, je devais aller faire réparer mes lunettes chez l'opticienne car elles ont pété, mais ça, c'est une autre histoire!) 

X-Man tond tranquillement la pelouse (merci pour le bruit... mais bon), je pianote sur mon écran et ce midi, nous mangerons notre restant de resto d'hier soir. Et ce soir, nous mangerons du resto. Et demain midi? Nous mangerons du resto en sortant de l'hôpital, après le rendez-vous du gamin. On se donne une pause de cuisine. Oh oui!

Et jeudi soir... ramènerons-nous X-Boy à la maison?

Nous n'en savons rien pour le moment.

Mais cet après-midi, je vais passer mon temps de qualité dans la piscine.

À flotter.

À faire flotter mes pensées vers les hautes branches de l'érable qui nous fait de l'ombre à partir de 16h00 et des poussières.

Et qui me rappelle que la nature est forte.

Imprévisible.

Mais magnifique.

Grâce au soleil, certes, mais également

grâce à la pluie.